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lundi, 25 août 2008

Moteurs de recherche solidaires: arnaque ou pas?

Doona moteur solidaire.jpg

Depuis quelques années fleurissent sur la toile des moteurs de recherche dits "solidaires". Quel est leur modèle économique? Leur démarche est-elle éthique? Qu'en penses les associations?

Fonctionnement
En utilisant ces sites pour vos recherches (plutôt que d'aller sur google, par exemple), vous contribuez à aider des associations grâce à l'affichage de pubs sur les pages d'accueil. Pour chaque requête lancée, quelques centimes d'euros sont donc reversées (parfois, ce sont des arbres plantés). Quant aux résultats de vos recherches, ce sont les mêmes que google, qui est utilisé massivement par ces sites pour les effectuer. En général, une multitude de projets sont proposés touchant au développement durable et la solidarité.

Qui se cache derrière?
La plupart des moteurs sont gérés par des entreprises qui se financent grâce aux publicités affichées sur leur site: seul un pourcentage (plus ou moins faible selon les cas) est reversé aux projets. Ainsi, les principaux challengers en France sont le pionnier HooSeek (SARL au capital de 47.000 euros basée à Neuilly-sur-Seine) et Veosearch (SAS au capital de 40.000 euros située dans le 16ème arrondissement parisien). Les moteurs solidaires, ça rapporte...

D'autres sites sont gérés par des associations, comme Doona, animé exclusivement par des bénévoles, qui reversent l'intégralité des gains générés.

Question d'éthique...
Une chose est certaine: entre chercher sur google avec 0 centimes pour l'associatif et chercher grâce à google en générant des gains reversés, la deuxième solution est toujours plus intéressante pour les projets solidaires. Mais de tels sites n'offrent au final que très peu de services (c'est le partenaire google/yahoo/exalead... qui fait l'essentiel du boulot, associé à une régie publicitaire avec des pubs pas toujours ciblées). En d'autres termes, les requêtes des internautes offrent sur un plateau d'argent 50% du chiffre d'affaire aux dirigeants. Si je n'ai rien contre cette véritable manne financière, vu le peu de service rendu (une fois la machine lancée, le travail derrière est très limité), j'ai un peu de mal avec l'idée que ce type de modèle économique soit vraiment "éthique".

Visiblement, je ne suis pas la seule: Handicap International, Médecins sans frontières et Greenpeace ont ainsi demandé à être retirés des listings d'HooSeek, tout comme Ingénieurs Sans Frontière qui a refusé l'invitation de Veosearch et s’apprête à demander son retrait de Hooseek.

Interviewé dans Politis, Guillaume Heintz, dirigeant de Veosearch, affirme que son modèle se calque sur les "Charity Business" anglo-saxons. Ce concept s'applique avant tout aux associations qui établissent des partenariats avec des entreprises (comme Lafarge et WWF). Les entreprises concernées reversent une partie de leurs revenues en échange de l'utilisation d'un logo ou d'une accréditation... et un regard de l'ONG sur leurs activités. Dans le cas de Veosearch, tout le monde est certes gagnant, mais l'image des associations est utilisée sans qu'il y ait pour autant le moindre travail collaboratif.

Au passage, sur HooSeek, il est encore possible de faire une recherche via google, alors que ce dernier ne fait plus parti du programme (donc, gains non comptabilisés: plus d'info ici). Seul un '€' barré minuscule le rappelle... cyberpigeons bienvenus !

Et le gagnant est...

Doona! C'est le seul site associatif animé par des bénévoles, avec ses statuts disponibles en ligne, affichant une totale transparence. Créé en 2006 par quatre étudiants, le site utilise gracieusement la technologie du moteur de recherche Exalead (sans doute la meilleure alternative à Google) et redistribue la totalité des gains à une association élue par les internautes. La publicité est gérée par Goodaction (une régie publicitaire associative [MàJ 18/4/2011 plus maintenant, c'est une SAS]. Les sommes collectées restent pour l'instant modestes (1.000 euros depuis le lancement). Mais après ma petite enquête, je suis désormais prête à faire des recherches régulièrement sur ce site... et seulement sur celui-là. Question de principe.

Le site Veosearch a le mérite de lever pas mal de fonds... mais je trouve qu'il joue beaucoup trop sur le marketing solidaire (il n'apporte aucun service additionnel, 50% des gains sont simplement mis de côté). Je préfèrerais de loin que les internautes se tournent vers la solution "Doona" qui pourra, ainsi, engranger plus de gains.

Pour ceux que cela intéresse, voici une liste non exhaustive des moteurs solidaires:

En français:

  • Doona (association créée en été 2006 - moteur utilisé: Exalead)
  • Veosearch (SAS créée en oct. 2007 au capital de 40.000 € - moteur utilisé: Google Yahoo)
  • HooSeek (SARL créée en 2006 au capital de 47.000 € - moteur utilisé: Google, Yahoo)
  • Ethicle (SARL créée début 2008 au capital de 2000 € - moteur utilisé: Google) [MàJ 26 août]
  • Ecoogler, entreprise espagnole qui plante des arbres en partenariat avec l'ONG Aquaverde (moteur utilisé: Yahoo)
  • Mention spéciale au moteur EkOolos, qui n'est pas un moteur solidaire mais offre de rechercher parmi plus de 2000 sites répertoriés dans le domaine de l'environnement. Il est géré par une boutique en ligne mais aucune pub sur la page d'accueil: il n'y a pas de gain généré, certes, mais il est bien pratique, avec un vrai boulot de recensement derrière!

En anglais

  • Everyclick, entreprise privée anglaise créée en 2005 qui a levé d'énormes fonds et est citée en exemple par le cofondateur de Veosearch, G.Heinzt - voir les commentaires [MàJ 26 août]
  • EcoSearch, une association américaine qui mentionne les ONG soutenues... mais les gains générés.
  • Et quelques autres que je ne citerai pas car trop obscurs (aucune transparence sur leurs activités et leurs propriétaires).

Sources:
- Euridile (Registre National du Commerce et des Sociétés) et societe.com
- "Un problème de cohérence", article de Xavier Frison paru dans Politis (22 mai 2008)

[Mise à Jour du 26 août 2008]: Guillaume HEINZT, co-fondateur de Veosearch, a réagi à cet article et je vous invite à lire sa réponse dans les commentaires ci-après.

Commentaires

Bonjour,

Je suis étonné que certaines informations publiées dans cet article concernant VeoSearch soient fausses: d'abord vous laissez entendre aux Internautes que VeoSearch continue d'utiliser la technologie Google ce qui n'est plus le cas depuis le 2 juin dernier (lire ici: http://blog.veosearch.com/index.php?post/2008/06/02/Du-nouveau-sur-Veo). Concernant l'absence de travail collaboratif avec les associations que vous dénoncez, je suis extrêmement étonné de lire une telle remarque. Nous investissons beaucoup de temps pour rencontrer les associations, les accompagner dans la mise en ligne de leurs contenus dans l'optimisation de leur communication Web (car c'est précisément là où elles ont besoin de soutien) et même dans la mise en avant de leurs projets notamment lors de notre première remise de chèque officielle (lire ici: http://blog.veosearch.com/index.php?post/2008/03/27/Premiere-remise-de-cheques).

Pour ce qui est du fond de l'article et de la position que vous adoptez, je comprends que vous préfériez Doona. Effectivement Doona a une démarche très louable et c'est une association que je respecte beaucoup. Mais il est vrai que l'impact financier de Doona comparé à celui de VeoSearch n'est pas le même. Vous concédez vous-même dans votre article, à juste titre, que les sommes collectées par Doona sont modestes. D'ici quelques jours, VeoSearch aura permis de collecter plus de 40.000€ pour les associations, certaines ayant déjà collecté plus de 2.000€.

Lorsque nous avons décidé de monter ce projet, Arthur et moi-même, nous avons effectivement dû faire le choix du type de structure juridique (association ou entreprise) et la question s'est bien évidemment posée. Nous avons eu tous les deux la chance d'avoir de longues expériences dans le milieu associatif. A titre personnel, j'ai fait 15 ans de scoutisme et monté un projet humanitaire en Inde du Sud dans une école d'intouchables. Nos expériences personnelles nous ont donc fait tout particulièrement réfléchir à ce sujet. Il est clair que si nous avions opté pour une structure associative, nous y aurions consacré beaucoup de temps mais cela n'aurait pu nous occuper à plein temps. Or, le risque de ce choix là, c'est de faire vivre le projet dans un coin, sans collecter des fonds de façon significative pour les associations alors que c'est précisément le but du site.

En optant pour une structure juridique d'entreprise, nous pouvions ainsi espérer développer plus rapidement et avec plus de moyens ce beau projet et ainsi maximiser les fonds reversés aux associations. En cherchant des investisseurs pour financer VeoSearch, nous n'avons eu de cesse de faire attention aux valeurs que ces investisseurs avaient. C'est précisément pour cela que vous retrouverez à notre capital un fonds d'investissement comme Phitrust Active Investors (je vous invite à aller voir leur site www.phitrust.com, qui montre bien la logique d'ISR que Phitrust suit). Phitrust a par exemple investit dans AlterEco.

Mais la route est longue avant que VeoSearch soit une entreprise rentable car 50% des fonds collectés ne va pas aux fondateurs, contrairement à ce que vous dîtes. Il est naïf de croire qu'une entreprise fonctionne toute seule sans le moindre coût associé. Nous sommes 4 personnes à travailler à plein temps sur le site, nous payons des salaires, des charges sociales, un loyer, du matériel informatique, des serveurs, des frais de comptabilité, juridiques,... Car effectivement, il faut continuer de développer le site, de faire le lien avec les associations, de communiquer auprès de la presse, de développer de nouveaux services (comme les nouveaux flux que nous avons mis en ligne: shopping, voyage, news,...) et faire vivre notre communauté. Alors finalement est-ce avec les 40.000€ collectés depuis Octobre 2007 que l'on peut assumer l'ensemble de ces charges?

Je m'étonne d'autant plus de ce genre de réactions que le site everyclick.com en Angleterre qui a un modèle économique similaire (50% des revenus publicitaires reversés aux associations) et qui a collecté plus de 500.000£ en 3 ans ne fait l'objet que de critiques positives. La raison? Et bien, sans Everyclick, les associations n'auraient jamais pu collecter autant d'argent avec les recherches sur Internet...

Je reste à votre disposition pour échanger sur ce sujet si vous le souhaitez.

Bien cordialement,

Guillaume Heintz

Écrit par : Guillaume HEINTZ | mardi, 26 août 2008

Je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre réponse qui apporte effectivement certaines précisions.

Je suis moi-même entrepreneur et me suis également posée la question des statuts: associatif ou société. Il n'est pas anodin d'opter pour la 2ème solution. Car on peut parfaitement se salarier dans une association et même évoluer vers une SCOP qui permet de dégager des bénéfices. En choisissant une SARL ou une SAS (dans votre cas), vous conservez un objectif clair: dégager des bénéficies pour développer votre société. Cela n'a absolument rien de critiquable et je pense avoir été claire dans l'article. Votre objectif semble bien d'ailleurs d'aller vers des développement respectueux de l'environnement (je cite votre FAQ "nos bénéfices seront réinvestis dans la promotion et la recherche et développement de produits durables").

Par contre, j'ai tout de même le sentiment que vous minimisez au maximum les allusions à votre statut d'entreprise qui ne figure pas en page d'accueil: à peine mentionné dans la rubrique "comment ça marche", il faut ensuite cliquer sur Veosearch et, au milieu d'une série de liens, cliquer sur "légal". Comprenez moi bien: si vous voulez imiter les modèles anglo-saxons qui ont fait leurs preuves, allez jusqu'au bout: assumez vos choix comme ils savent si bien le faire! Expliquez votre positionnement d'entreprise, dites aux internautes qu'une asso ne peut pas tout et qu'à un moment ou à un autre, il faut engranger des bénéfices pour aller plus loin dans ses démarches. C'est tout à fait louable!

Le développement durable, c'est aussi la transparence et dans votre cas, elle est au coeur de votre activité, précisément parce que vous utilisez l'image des associations, il faut être très clair. Et c'est là où j'ai été gênée par votre site. Notez au passage que j'ai indiqué 50% du chiffre d'affaire et non de bénéfices ou de revenus pour les dirigeants. Cela n'a rien à voir et nous savons tout deux ce qu'il peut rester sur 40.000 €. de CA.. Toutefois, en 10 mois d'existence, c'est déjà pas mal et cela laisse présager des bénéfices non négligeables dans quelques années. En tant qu'internaute, j'ignore à quel type de développement je suis en train de contribuer... Or, le développement durable peut également s'avérer un véritable business et nombreux sont ceux qui spéculent. J'ose croire que ce n'est pas votre cas, mais c'est plus au travers de votre blog que je peux m'en convaincre - peut-être une faille sur le site de Veosearch?

Quant à Doona, et bien effectivement, ils n'ont pas engrangé autant de gains. Mais ils n'ont pas les moyens de diffuser leur site comme vous, alors qu'ils ont près d'un an d'existence en plus. C'est une question de diffusion de votre site qui engrange plus d'audience et non un problème de qualité: Doona utilise Exalead qui est au passage un moteur de recherche souvent reconnu comme bien plus performant que Yahoo et leur interface est particulièrement soignée. Il ne dispose certainement pas des mêmes réseaux de diffusion (je suppose que vous avez accès par exemple aux anciens d'HEC, ce qui peut s'avérer pratique pour lever des fonds et diffuser son existence - n'y voyez là aucune critique). Disons qu'au regard de votre entreprise et son capital non négligeable, les quatre étudiants qui ont monté Doona font figure de David contre Goliath!

Je pense avoir été claire dans l'article sur les avantages de financer des asso via nos recherches. J'ai expliqué ce qui me gênait dans le concept d'une entreprise pour ce genre d'activité et j'ai fait part de mon choix. J'ai toutefois indiqué l'intérêt de Veosearch en terme de gain.

J'espère que ces précisions auront répondus à votre questionnement. Le débat reste bien évidemment ouvert!

Écrit par : Angelie | mardi, 26 août 2008

Merci de cet article instructif. Je trouve aussi que ces sites manquent de transparence. On a beaucoup de mal à trouver des infos sur leur fonctionnement et leur statut.
a+
ApollineR

Écrit par : ApollineR | mardi, 26 août 2008

Pour Hooseek, je pense que beaucoup d'associations référencées sur le moteur ne sont même pas au courant...

Écrit par : SoAnn | mercredi, 27 août 2008

moi ca me met mal à l'aise de dire que je finance autant des associations qu'une entreprise. Surtout si une alternative associative existe qui est plus ancienne!
Merci pour l'info

Écrit par : Prisca | mercredi, 27 août 2008

Très instructif.

Ca me rappelle le malaise que j'avais eu au moment du tsunami de décembre 2004, à propos des dons fait par SMS. Une partie de ce que je payait était bien donné aux association, mais le reste tombait dans les poches des opérateurs...

Pierre

Écrit par : Pierre ANTOINE | samedi, 30 août 2008

Quel travail de recherche...
J'en reste bouche bée.

Bravo continue !

Écrit par : Capucine | dimanche, 26 octobre 2008

hello,
ajoutons à cette liste qu'il existe également un autre mode de fonctionnement publicitaire ET éthique sur Internet. C'est notamment le cas de Goodaction, qui propose plusieurs modèles explicites et reverse les gains aux annonceurs (dont le WWF également).
Historiquement, Goodaction s'est lancé comme association, et est montée aujourd'hui en modèle d'entreprise, notamment pour proposer ses services de publicité éthique (c'est à dire des pubs sélectionnées en fonction de critères stricts).

Certes, le modèle est relativement nouveau, vient de l'univers anglo-saxon, et pour le moment ca démarre doucement mais surement :-)

Merci Angélie pour ce papier, et à Guillaume pour sa réactivité !
Belle journée à tous.
Mike

Écrit par : Mike - markéteux et écolo activiste | lundi, 23 mars 2009

Bel article... Et surtout mis à jour !

Pour Doona, il y a eu du mouvement :
- GoodAction n'est plus la régie publicitaire car il n'y avait plus d'annonce.
- Le moteur de recherche web c'est Yahoo (mais toujours Exalead pour les images, vidéos, Wikipédia et blogs)
- Une nouvelle régie publicitaire a été trouvée en attendant de pouvoir remplir directement un formulaire et que ce soit rentable. Il s'agit de Yahoo Boss (V2 je crois).

Le formulaire pour passer une annonce est en cours d'élaboration, pour participer, il faut être inscrit sur le forum Doona et se rendre dans le topic "Tâches à effectuer" (ou un truc comme ça)

Bonne continuation !

Écrit par : Dooneur | lundi, 16 janvier 2012