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mardi, 22 mai 2007

Cette agriculture qui préfère l'alcool plutôt qu'éradiquer la faim dans le monde...

Si le tabac a de moins en moins bonne presse, je suis persuadée que nombre d'entre vous - pourtant sensibles à l'environnement - salivent encore au souvenir d'un bon petit bordeaux, bourgogne ou vieux cognac... Qui peut se vanter de n'avoir jamais bu un verre d'alcool ni fumé une cigarette (voire autre chose)? Voilà comment au moins 1.5% (sans doute plus) de la surface totale de terres agricoles dans le monde n'est pas utilisé à des fins alimentaires mais au plaisir des papilles.

Pourtant, difficile de trouver la moindre étude sur cet enjeu. Il est plus facile d'inciter les citoyens à limiter leur consommation de viande, pointant du doigt les hectares nécessaires à l'élevage et la pollution engendrée. Certes, c'est justifié (pensez aux terres cultivées consacrées uniquement à l'alimentation des animaux...). Mais cela faisait un moment que je cherchais à savoir quelle proportion de terres agricoles était condamnée à satisfaire un simple plaisir gustatif (et pulmonaire), plutôt que tâcher de limiter la faim dans le monde. 

La surface de terres arables et cultivées permanentes est estimée à 1540,6 milliards d'hectares dans le monde (sources FAO/Quid). D'après le Quid, 7,320 millions d'ha sont destinés à la culture du raisin pour le vin, 3,981 millions d'ha pour le tabac et 63 milliers pour le houblon (bière). Reste l'ensemble des spiritueux (ex. Whisky, Gin, Vodka, Rhum...) et les autres cultures non licites (marijuana, cocaïne, héroïne...) dont je n'ai pas trouvé de surfaces.

Cependant, le cabinet International Wine and Spirit Record (IWSR) a réalisé récemment une étude sur le marché mondial du vin, indiquant que la consommation mondiale de vins atteignait près de 22,8 milliards de litres en 2005 et celle des spiritueux, près de 19,6 milliards de litres.

En extrapolant le ratio surface cultivée/production en litre du vin pour fournir une (vague) approximation des surfaces cultivées consacrées aux spiritueux, on obtient environ 6 millions d'hectares pour ces derniers. Ajoutés aux cultures de tabac, de vin et de bière, on obtient donc un total de 1,15% de terres arables et cultivées "condamnées" au plaisir. Mais il faut ajouter les diverses drogues, les alcools locaux probablement non répertoriés sur le marché mondial. Je tablerais donc plus sur 1,5%... au minimum.

Certains me diront que ce n'est pas énorme... mais si vous déteniez 1% des bénéfices nets de Microsoft, vous ne diriez plus "bah, c'est rien...", du haut de vos 91 millions d'euros! 1%, à grande échelle, c'est important. De plus, l'étude du IWSR estime que jusqu’en 2010, la consommation de vin dans le monde devrait progresser de 1 % par an. Ce pourcentage de terres occupées risquent donc d'augmenter.

Enfin, cerise sur le gâteau, l'Inde est le 3ème pays producteur de tabac après la Chine et le Brésil, avec 438 milliers d'hectares destinés au tabac. Or, c'est bien connu, personne ne souffre de la faim en Inde...

Alors la prochaine fois que vous voudrez arroser un évènement, réfléchissez-y!

 

Sources:
- Agriculture - Comparaisons: Quid (citant les chiffres de la FAO)
- Statistical Yearbook 2005-2006, FAO
- Statistiques sur le vin, Quid
- Statistiques sur le tabac, Quid
- Statistiques sur la bière, Quid
- "Conjoncture internationale - La nouvelle embellie du vin", Agriculture Information (30 janvier 2007)

Commentaires

Je ne suis pas convaincue par la pertinence du problème (en ce qui concerne la vigne surtout). Il me semble que c'est un peu tiré par les cheveux. D'autant plus que la vigne pousse bien souvent sur des terres peu fertiles, ou l'on pourrait difficilement mettre autre chose.

Écrit par : élodie | mardi, 22 mai 2007

Il me semble effectivement que c'est bien moins problématique que le "bio carburant". Je pense que pour nourrir nos voiture, il risque d'y avoir bien plus que 1,5% des terres (on consomme plus de pétrole que de vinasse).

Écrit par : lamyseba | mardi, 22 mai 2007

De même je pense qu'il faut faire attention de ne pas pousser l'écologie à son paroxysme. Combien de personnes gagnent leur vie et peuvent se nourrir grâce à l'économie engendrée par le tabac et les vignes ?

On ne peut pas taper sur tout sinon on pourra enlever toute notion de plaisir et de société de consommation et dire alors que l'on est dans une optique écologique.

Écrit par : Ivonig | mardi, 22 mai 2007

ha! merci, tu m'as donné encore une autre raison valable pour me battre contre ce fléau que c'est l'alcohol que je déteste tant!
bises,
Es

Écrit par : zara | mardi, 22 mai 2007

Il faudrait que je calcule (avec tout ce que je bois) quelle surface est occupée par ma conso personnelle. Ca doit etre effrayant
Amitiés

Écrit par : bebert le vert | mardi, 22 mai 2007

Ah... je vois que les réactions fusent. Je rappelle que j'ai fait cette analyse car je ne trouvais aucun chiffre et j'étais curieuse. Cela ne signifie pas que la priorité est de supprimer tout verre d'alcool ou toute cigarette (limiter la viande ou ses déplacements ont des impacts bien plus forts), mais, comme pour tout, il faut apprendre à modérer sa consommation pour ne pas inciter à une augmentation des productions.

Tâchons de répondre à vos commentaires:

> A Elodie, si la vigne peut se contenter de sols peu fertiles, elle n'en occupe pas moins dans le monde certaines terres tout à fait utilisables à d'autres fins. C'est le cas, par exemple en France, de nombreux terrains en Bourgogne ou dans le Languedoc-Roussillon (où des vignes arrachées ont laissé place à d'autres cultures avec succès). Enfin, sachez que certains sols assez pauvres peuvent être enrichis naturellement (ex. couche de copeaux de bois), tant qu'il y a de l'eau pas loin, des cultures sont alors possible.

> A Lamyseba: oui, comme je l'évoquais ci-dessus, il y a des enjeux beaucoup plus importants, mais j'étais curieuse... Les biocarburants n'ont, à mon sens, pas grand-chose de 'bio' et une réflexion sérieuse est en cours, d'autant que l'union européenne a beaucoup poussé en ce sens mais est en train de freiner ses ardeurs...

> A Ivonig: il ne s'agit pas de devenir une extrémiste écologiste: avant mon calcul, je n'avais aucune idée du résultat, cela aurait pu être 0.01% des terres comme 10%. Et même encore à présent, le 1,5% est plus un minimum qui pourrait être loin de la réalité... Vous dites combien de personnes gagnent leur vie et peuvent se nourrir grâce à l'économie engendrée par le tabac et les vignes: c'est un argument tout aussi valable pour ceux qui font pousser des cultures illicites, la mafia, les pétroliers, les constructeurs de Hummer (pour ne citer qu'eux), etc... Tout est une histoire de redistribution des capitaux. Un trou dans l'écosystème économique n'a pas vocation à rester vide. Une activité peut en remplacer une autre, la preuve, le temps des bâtisseurs de cathédrales est révolu!

Pour ce qui est de la notion de plaisir, je n'incite pas à l'interdire, mais à le consommer avec modération (d'autres plaisirs existent qui, eux, connaissent moins de limites...). Boire de l'alcool et fumer sont des activités humaines qui existent d'ailleurs depuis des millénaires, mais des cultures entières ont été ravagées avec les colonisations qui ont, entre autre, apporté des habitudes de consommations excessives (notamment en dehors de tout évènement particulier).

...

Enfin, j'avoue (oui, oui) que je ne comprends pas pourquoi on fustige le tabac en faisant une telle impasse sur l'alcool aux effets bien plus dévastateurs. Si le tabac tue à petit feu son consommateur, jamais un fumeur n'a provoqué d'accident de voiture (je ne parle pas des joints), ruiné ses capacités professionnelles ou risqué d'accroître la proportion d'actes violents (beaucoup de parents battant leurs enfants sont touchés par l'alcool). Bref, les coûts liés à l'alcool pour la société sont massifs (attention, je ne vise pas ceux qui se boivent un petit verre de temps à autre). Ce silence vis-à-vis de l'alcool en comparaison aux mesures anti-tabac a effectivement le don de me faire grincer des dents - d'où, sans doute, ma curiosité dans cet article.

Pour les conclusions, à vous de faire un choix entre s'offrir un plaisir de temps à autre et consommer quotidiennement au delà du raisonnable. Avant tout, ce qui prime, c'est de consommer juste, pas juste de consommer [ce petit proverbe n'est pas de moi, mais je l'adore].

Écrit par : Angelie | mercredi, 23 mai 2007

Pour ma part, je pense que la limitation de consommation de viande industrielle est une solution raisonnable car c'est un domaine dans lequel nous sommes dans l'exces. De plus il faut plusieurs kilos de céréales pour faire 1 kilo de viande. En limitant donc la consommation de viande, on a de suite un surplus alimentaire interressant.

Écrit par : genfi | lundi, 28 mai 2007

Pour ceux qui ont pas vu "We Feed The World", allez le voir!
Vous y apprendrez qu'on jette des tonnes de pains à la poubelle, qu'on vide les mers jusqu'à 800m de profondeur pour en sortir du poisson pas frais, et qu'on a physiquement la capacité de nourrir 12 milliards de personnes sur terre.
Et puis, un peu comme dans "Notre pain quotidien" (que je n'ai malheureusement pas encore vu), vous découvrirez en image ce qu'il se passe avant qu'un bout de viande ou un légume n'atterrisse dans votre cadi ou dans votre assiette de la cantine.

Écrit par : lamyseba | lundi, 28 mai 2007