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jeudi, 24 juin 2010
L'éthique de la réforme des retraites
Je sors des sentiers battus aujourd'hui mais tant pis. J'ai envie de parler retraite... Pour ma part, à 34 ans, je sais pertinemment que réforme ou pas, s'arrêter de travailler à 62 ans tiendrait du miracle: études longues, en profession libérale... il est plus que probable que j'irai au moins jusqu'à 65 ans et nous sommes nombreux dans ce cas. Mais pour tous les autres abonné au 35h qui veulent partir à 60 ans, quelqu'un a-t-il seulement réalisé qu'il suffirait de travailler 1,75h de plus par semaine pendant les 40 ans de cotisation pour équivaloir à 2 ans de travail en sus, évitant ainsi de repousser l'âge de départ en retraite ?
Evidemment, tout le monde n'est pas à la même enseigne. Un ouvrier du BTP ou un manutentionnaire travaille à mon sens assez comme ça et en tant que chef d'entreprise, j'accepte pleinement de bosser quelques heures en plus pour maintenir ces gens à 35h. Mais pas question de cotiser un centime de plus pour le conducteur de RER B dont le temps de conduite réel est de 2h50 (véridique) et qui stoppe sa carrière à 53 ans en moyenne. C'est se moquer du peuple.
Pourtant, tandis que beaucoup respectent strictement les 35h hebdo (à commencer par nombre de fonctionnaires), la moyenne de durée de travail effective est de 41h en France, un chiffre comparable à plus d'un tiers de nos voisins. Pourquoi? Parce que nombre de gens (dont une écrasante majorité sont des cadres, commerçants et agriculteurs) sont abonnés aux 45 à 60h. Pour d'autres, la différence avec les 35h se mesure également à coup d'heures sup, en sus de salaires maintenus en travaillant quelques heures de moins sans avoir permis aux entreprises de compenser en créant de l'emploi. Et ça chiffre vite. J'y ai goûté avec plaisir en tant que salarié et je peux constater avec horreur en tant qu'employeur...
Il y a donc en France 4 poids 4 mesures tandis que grévistes et gouvernement mettent tout le monde dans le même bain. Et c'est là où je veux en venir: les inégalités sociales ne sont pas toujours celles qu'on croient:
- Il est inadmissible que des types qui s'esquintent à soulever des poids, vider des poubelles, respirer des produits toxiques ou cumuler 3 petits boulots à des heures pas possibles soient si peu payés et doivent rallonger leur durée de cotisation.
- Mais pour ceux aux 35h strictes, avec un travail non physique ou sous pression, c'est être égoïste de ne pas comprendre la nécessité cruciale pour les générations à venir d'y mettre un peu du sien et participer réellement à l'effort collectif...
- ...sans réaliser que toute une catégorie de population trinque, à gagner parfois moins par heure effective travaillée parce qu'abonnée aux 40-45h et consciente que réforme ou pas, elle devra travailler bien au delà de 62 ans.
- Il est immoral que certaines professions soient aussi scandeusement rémunérées indépendamment du niveau de diplôme, des risques et des responsabilités: entre un ingénieur du bâtiment supervisant tout un chantier payé 15€/h, c'est parfois autant qu'un graphiste web et moins qu'un plombier et l'avocat à 50 €/h pour donner quelques conseils (je parle ici de salaire, pas d'honoraire), cherchez l'erreur... Quant aux acteurs, grands patrons ou sportifs cotés, no comment
Mais ce déséquilibre entre secteurs d'activité et profils professionnels, personne n'en parle. Je me désole sur les conditions de retraites que vont connaître les générations futures à cause de notre manque d'éthique. Car oui, aujourd'hui, j'ai surtout la sensation que chacun essaye de défendre coûte que coûte ses privilèges. Mais de remise à plat, calmement, pour réajuster les différences salariales, les heures travaillées, tenir compte des réelles pénibilités (et pas celle mentionnée par les conducteurs de RER B...), c'est le désert.
Sources:
- Nombre d'heures travaillées par semaine, statistiques Eurostat
- "L’aberration des 35 heures", IFRAP (17 fé. 2010)
- "Grève des RER : une claque au développement durable", article du blog (12 déc 2009)
Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : environnement, développement durable, entreprise, gouvernance, santé | Facebook | |
Commentaires
Votre vision de la question des retraites est partielle et partiale. Vous oubliez un élément crucial de la situation de l'emploi en France : le chômage est massif et touche particulièrement les jeunes et les vieux. On ne va rien résoudre du tout avec la réforme voulue par le gouvernement. On va simplement remplacer des retraités par des chômeurs. C'est ce que vous appelez de l'éthique ?
Il y a autre chose. Aujourd'hui, les cotisations retraite sont portées par les salariés. Donc in fine par les entreprises qui utilisent des employés pour générer de la valeur ajoutée. Une bonne répartition du financement des retraites sur les entreprises -basée pour partie sur les salaires comme aujourd'hui et pour partie sur l'activité- permettrait d'abaisser la cotisations de celles qui créent de l'emploi tout en assurant le financement nécessaire malgré l'augmentation du ration retraités/actifs, et de cesser de défavoriser en France l'implantation d'entreprise nécessitant d'importantes ressources humaines.
Écrit par : Bôôh | jeudi, 24 juin 2010
Mais, j'ai justement dit que réforme comme gréviste mettaient tout dans le même panier alors qu'il faut des adaptations. Ce qui signifie que je n'approuve pas cette réforme en tant que telle... ni certains arguments avancés par les grévistes.
Pour voir les 2 faces du miroir (salariés, patrons), je vous garantis que le hic vient de la rigidité du système. Impossible pour les PME-TPE d'employer suivant les besoins à cause de contraintes trop fortes. Résultat: là où on aimerait embaucher, on se l'interdit. Du coup, par peur de créer de la précarité, on la génère à la puissance 10!!! C'est un dilemme très cruel. Or, TPE-PME sont les 1ers employeurs de France, on l'oublie.
Il ne s'agit pas tant de répartir les financements des retraites en tant que tel, mais bien de répartir les niveaux de salaires pour rendre les écarts plus équitables (cf. l'exemple cité des avocats) et accroître l'effort de certains, comme les fonctionnaires (qui perdent 1% contre 7% dans le privé par annuité manquante et une retraite basée sur les derniers salaires et non la moyenne des 25 meilleures années pour les salariés du privé).
Voilà pourquoi je parle d'éthique.
Écrit par : Angelie | jeudi, 24 juin 2010
Ne confondons pas tout.
L'avocat est payé 300 euros de l'heure car il a fait 7 ans d'études, durant lesquelles il n'était pas ou peu rémunéré et qu'il a peut-être du emprunter..
Après, le problème des conducteurs SNCF, c'est un autre problème malheureusement.
Écrit par : Caroline | jeudi, 15 juillet 2010
> Caroline: je comparais l'ingénieur et l'avocat, où l'avocat gagne 15 à 20 fois plus qu'un ingénieur pour 2 années d'études de différence. Ou 20 fois plus que l'immense majorité de thésards, avec autant voire moins d'années d'étude.
Ce décalage est proprement choquant, pour des exigences intellectuelles au moins équivalente et des responsabilités professionnelles très lourdes (un ingénieur en bâtiment doit même faire face à des garanties décennales que l'avocat ne connait pas... c'est dire).
Écrit par : Angelie | jeudi, 15 juillet 2010