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lundi, 15 septembre 2014

BILAN de la campagne #VenezVerifier de Fleury Michon

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D'avril à juillet 2014, j'ai participé en tant que blogueur à la campagne #VenezVerifier de Fleury Michon, visant à démontrer la qualité de son surimi (voir précédents articles ici et ). De la visite des usines de production en Vendée à la pêche du Colin d'Alaska et la fabrication de pains de poissons, j'ai ainsi suivi tout le processus de fabrication, allant même jusqu'à embarquer à bord d'un chalutier. Il est donc temps pour moi de faire le bilan.

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[MàJ 16/09/14]

 

Lorsque la campagne a démarré, j'ai rapidement été interpellée par l'absence d'additif et de colorant dans la recette des surimis de Fleury Michon, se démarquant ainsi d'une grande partie de la concurrence (à commencer par Coraya...). Cette bonne surprise m'a donné envie d'aller plus loin, l'occasion de se pencher sur LA question sensible : le poisson. Confronter la réalité est toutefois loin d'être évident, comme en témoigne cette vidéo que j'ai prise sur le chalutier:

 

 

Certes, le poisson pêché est labellisé MSC (Marine Stewardship Council), sensé garantir une pêche durable ne mettant pas les stocks en danger. Est-ce suffisant? Rien qu'en France, 60.000 tonnes de surimi sont consommés par an, soit 21.000 tonnes de "surimi base" (la pâte de poisson formée à partir des filets et constituant environ 35% des surimis). La marque occupant 25% de ce marché, il faut donc 5250 tonnes de surimi base (soit probablement quelques 10.000 tonnes de poissons entiers) - une bagatelle comparé à la production mondiale d'1 million de tonnes de surimi base (1).

 

Le Colin d'Alaska représente environ la moitié de la production mondiale. Mais pour Fleury Michon, il constitue 90% du poisson utilisé. C'est donc sur lui que je me concentrerai - n'ayant pu observer la pêche du Merlu blanc du Pacifique (les 10% restants). L'analyse portera donc sur les points suivants:

  1. Les garanties du label MSC
  2. Suivi des stocks et gestion halieutique
  3. Les méthodes de surveillance
  4. Les impacts sur l'environnement

 

1. Les garanties du label MSC

Le MSC est un label certifiant la pêche durable, afin de prémunir contre la surexploitation des ressources halieutiques. Né en 1997 à l'initiative du WWF et le groupe Unilever, le MSC certifie aujourd’hui 179 pêcheries dans le monde représentant 7 millions de tonnes de poissons, soit environ 7% des captures mondiales (chiffres 2012) (2).

 

Cependant, le MSC fait régulièrement l'objet de vives critiques, accusé d'être un peu trop conciliant. Une étude en 2013 (3) concluait que les principes du MSC étaient trop indulgents, en permettant une interprétation trop généreuse par les auditeurs - tout en rejetant la plupart des recours des ONG (un mécanisme faisant partie intégrante du processus, mais jamais suivi d'effet). [MàJ du 16/09/14: Le MSC a répondu à ces accusations affirmant que l'objectif de la procédure d’objection était incompris, que certains scientifiques étaient juges et partis, rappelant par ailleurs que 9 objections sur 19 avaient abouti à la révision des rapports et à la mise en place de 13 nouvelles conditions pour les pêcheries concernées. Mais attendez... si les auteurs de l'étude sont à la fois juges et partis, c'est qu'ils connaissent particulièrement bien les procédures et sont les plus à même de les critiquer, non? Or, des ONG comme Greenpeace et Bloom (co-auteurs) perdent rarement leur temps à dénoncer des dysfonctionnements sans fondement...].

 

Or, un échange avec une scientifique de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration - agence américaine responsable de l'étude de l'océan et de l'atmosphère) a révélé que le MSC venait récemment de labelliser plusieurs une pêcherie de Colin russe [MàJ 16/09/14] ... qui s'engage à respecter les critères du label, sans qu'aucune preuve ne puisse évidemment être apportée (*) - suivi et transparence russe oblige (on voit les dégâts avec la pêche illégale du crabe royal en Russie)... D'ici quelques temps, le consommateur devrait donc se retrouver à manger du colin russe pseudo labellisé dont il est impossible de vérifier le respect d'une pêche durable.

 

Pour le sérieux du MSC, on repassera. Fleury Michon n'est évidemment pas fautif, mais il convient désormais pour toute entreprise visant à être responsable de s'assurer que leurs fournisseurs puissent attester de leurs pratiques - et ne pas se contenter de la seule apposition d'un label. Cela semble être le cas avec le suivi américain du Colin (lire ci-après). Espérons que Fleury Michon ne sera pas tenté de sitôt à aller voir ailleurs, comme le fait déjà le groupe Iglo.

 

2. Suivi des stocks et gestion halieutique

Le colin d’Alaska (Theragra chalcogramma) vit dans le Pacifique Nord entre 100 et 300 m de profondeur. Il peut vivre 30 ans, atteignant sa maturité sexuelle vers 3-4 ans quand il mesure entre 20 et 50 cm (c'est l'âge à partir duquel il est pêché). Adulte, il peut mesurer jusqu’à 130 cm et peser 18 kg. Se répartissant en une douzaine de stocks distincts, ces derniers sont gérés par les administrations nationales (États-Unis, Japon, Russie, Corée du Nord), voire des commissions internationales quand les stocks chevauchent plusieurs eaux nationales. C'est la première espèce pêchée dans le monde, à raison d'environ 3 millions de tonnes par an ces dernières années contre 7 millions à la fin des années 80 - un déclin qui serait dû, entre autres facteurs, à la surexploitation de certains stocks (4).

 

Le colin reste toutefois régi par des quotas de pêche établis annuellement sur la base de recommandations scientifiques : l'ABC (Acceptable Biological Catch ou prises biologiques acceptables). Aux États-Unis, c'est ensuite le NPFMC (North Pacific Fishery Management Council) qui détermine le TAC (Total Allowable Catch ou total admissible de capture), en dessous ou égal à l'ABC. Si le TAC a chuté ces dernières années, il connait à nouveau une hausse (1,2 millions de tonnes en 2013, 1,75 en 2014 et 1,94 en 2015) (5).

 

Par ailleurs, des limites sont également fixées pour les prises accessoires (des espèces se retrouvant dans les filets bien que n'étant pas la cible des bateaux): les prises accidentelles de saumon notamment sont très contrôlées. Cet été, les prises trop importantes de calmars ont entraîné la fermeture de zones de pêche pour éviter d'atteindre les limites admissibles. Une fois celles-ci atteintes, toute la pêche au colin s'arrête pour la saison, que les pêcheurs aient ou non atteint le quota de colin. Enfin, ça, c'est pour la théorie. J'ai posé la question à des responsables de pêcheries: ils m'ont affirmé que ces limites n'avaient jamais été atteintes (donc, la pêche n'a jamais stoppé). Doit-on remercier des techniques de pêche ultra perfectionnées ou des limites trop élevées?

 

Il faut reconnaître cependant que le colin a la particularité de vivre en très larges bancs. De ce fait, aidé également par des filets adaptés laissant d'autres espèces s'échapper, 99% des prises sont du colin, ce qui évite un gâchis énorme (en moyenne, les prises accessoires sur le volume global
mondial pêché est de 8%, mais peut atteindre 95% pour les crevettes tropicales... une honte)(6). Nous l'avons vu sur le chalutier, sur deux chaluts remontés, le colin s'étalait à perte de vue, les autres espèces étaient très rares. D'ailleurs, les bancs de colin sont parfaitement reconnaissables sur les écrans de contrôle des chalutiers, comme en attestent ces captures d'écrans. Cela permet de jeter les filets au meilleur moment.

 

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Enfin, des zones ont été établies, où la pêche est strictement interdite, notamment une petite bande de quelques kilomètres le long des côtes, mais aussi des parcs nationaux et des réserves (accéder à la carte) qui servent de refuge à la vie sauvage, tout particulièrement les lions de mer.

 

3. Les méthodes de surveillance

Dès lors que des quotas sont fixés, le déclaratif ne suffit pas et des contrôles constants sont effectués par des observateurs fédéraux. Ce sont des scientifiques diplômés en biologie marine, recrutés par un petit groupe d'agences assermentées pour le compte de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration). Chaque bateau partant en mer embarque obligatoirement un observateur fédéral, présent tout au long de la remontée des filets.

 

Ce dernier prélève des échantillons de poissons (cf. photo de droite en tête d'article) qui sont pesés et mesurés et les prises accessoires sont répertoriées. Un observateur ne passe jamais plus d'une saison à bord d'un même bateau (2 saisons par an, de janvier à avril, puis de juin à octobre), pour éviter tout "copinage", la corruption étant par ailleurs lourdement condamnée. J'imagine déjà la tête de nos pêcheurs français si des observateurs étaient imposés systématiquement à bord!!!

 

Par la suite, un autre observateur est présent lorsque le poisson est débarqué à l'usine. Dans celle que nous avons visitée, les prises accessoires triées ensuite des tapis roulants atterrissaient dans des bacs dont le contenu était on ne peut plus visible de l'extérieur. N'importe quel observateur peut y jeter un coup d'oeil...

 

Des tableaux de suivi, bateau par bateau, espèce par espèce sont diffusés pour suivre l'état des prises quotidiennement. Chaque pêcherie peut donc gérer ses quotas et donner des directives à sa flotte qui sortirait de la moyenne, mettant en péril le reste de la saison. Franchement, sur cet aspect, c'est très certainement bien plus sérieux qu'en Europe.

 

4. Les impacts sur l'environnement

Est-ce vraiment durable de pêcher un million de tonnes de poisson chaque année (rien qu'aux US)? Nous pourrions croire que les quotas sont ajustés de manière à préserver la manne... Pourtant, certaines ONG ne l'entendent pas de cette oreille, Greenpeace en tête, mais aussi l'aquarium de Monterey (Californie), à l'origine de Seafood Watch, un des plus vastes programmes de sensibilisation à la pêche durable dans le monde.

 

Ainsi, si l'aquarium reconnaissait que le colin d'Alaska était généralement bien géré, des questions subsistaient sur l'état des populations (qui ont connu un déclin depuis 20 ans) et les impacts des chaluts. En effet, bien que les pêcheries n'utilisent dans la mer de Béring que des filets d'eaux moyennement profondes, il est estimé que ces chaluts touchent les fonds marins 44% du temps. Étonnamment, j'ai du recourir au cache de Google (permettant de rendre visible d'anciennes pages) pour retrouver ces données citées dans plusieurs articles parus en 2013, mais qui ont désormais disparu du site de Seafood Watch.

 

En raclant les fonds marins, les filets endommagent les éponges et les nombreux coraux d'eaux froides, d'autant plus fragiles que leur croissance est très lente (4 à 25 mm/an). En 2007 et 2012, Greenpeace a d'ailleurs mené plusieurs expéditions dans la mer de Béring, entre l’Alaska et la Russie, pour filmer les profondeurs et les canyons Zhemchug et Pribilof, les plus grands canyons sous-marins du monde. L'ONG a ainsi révélé l’existence d’une faune incroyablement diversifiée, qui reste extrêmement vulnérable face à la surpêche dans cette région du globe, comme le montre ce petit reportage de LinkTV.

 

 

L'ONG estime que 73 tonnes de coraux sont réduits en miette chaque année dans la mer de Béring et les Îles Aléoutiennes (7), proposant alors la mise en place d’une zone protégée autour de ces deux gros canyons pour servir de pépinière de jeune poissons et contribuer au repeuplement des fonds marins - sachant que seuls 4% des colins y sont pêchés. En avril dernier, l'ONG a été déboutée de sa demande. La NOAA estime que "des zones entières de ces grands canyons n'abritent quasiment pas de coraux tandis que de larges zones en dehors de ces périmètres en sont très riches. Si le but est de protéger ces habitats sensibles, il y a sans doute de meilleures façons de le faire que de fermer tout simplement l'accès de ces canyons à la pêche" (8). Si Greenpeace dit vrai, à savoir que seul 4% du colin y est pêché, cela semble plus subtile de protéger ces zones que recourir aux "meilleures solutions" de la NOAA que personne ne propose au demeurant pour l'instant...

 

Enfin, il persiste des inquiétudes sur le rôle de la pêche et le déclin des lions de mer de Steller, désormais très protégés, mais qui se nourrissent notamment de colin. De gros efforts ont été fait à ce niveau depuis 10 ans, avec la mise en place de zones interdites de pêche - mais des études plus poussées sont nécessaires pour comprendre toute la chaîne alimentaire et la façon dont la pêche peut impacter à différents échelons.

 

Et Fleury Michon dans tout cela?

Nous pourrons toujours argumenter sur les quantités pêchées, Fleury Michon n'est qu'un pion sur un échiquier où seul le consommateur joue en décidant de l'espèce qu'il consomme et en quelle quantité. A se plonger au coeur du monde de la pêche, tout n'est pas si simple. Du gâchis plus ou moins important selon les espèces à la surveillance du bon respect des quotas, des techniques utilisées à la transparence des données, il y a une hétérogénéité mondiale épouvantable et totalement opaque.

 

Échelle industrielle pour échelle industrielle, mieux vaut que l'entreprise s'en remette au Colin après tout. Quitte à manger du poisson, sans doute vaut-il mieux au final opter pour un poisson très surveillé, qui génère très peu de gâchis, à la condition qu'il soit pêché dans les eaux américaines et non russes (zéro confiance sur le suivi), en comptant sur la vigilance d'ONG comme Greenpeace pour identifier les zones les plus sensibles et faire pression pour les protéger.

 

Je rappelle qu'en 2010, la quantité de thon rouge de l'Atlantique Est négocié sur le marché mondial dépassait le quota légal de 141 % (9) et, d'une manière générale, les pêcheurs européens semblent incapables de respecter le moindre quota, quelles que soient les espèces. Ce n'est d'ailleurs qu'en 2013 que l'Union Européenne a pondu dans la douleur un accord contre la surpêche... qu'il reste à faire respecter.

 

Et si le consommateur commençait par devenir plus raisonnable sur les quantités qu'il absorbe, en acceptant d'y mettre le juste prix?

 

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Pour aller plus loin:
Un livre a vu le jour sur les enjeux de la pêche du Colin d'Alaska, je ne l'ai pas lu mais voici ses références: Kevin M. BAILEY (2013) "Billion-Dollar Fish: The Untold Story of Alaska Pollock", University Of Chicago Press, 288 p.

 

Sources:
(1) Guide des espèces 2013, Alliance Produits de la Mer
(2) Source: Association Bloom
(3) "A review of formal objections to Marine Stewardship Council fisheriescertifications", C. Christiana,  D. Ainleyb, M. Baileyc, P. Daytond, J. Hocevare, M. LeVinef, J. Nikoloyukg, C. Nouvianh, E. Velardei, R. Wernera, J. Jacquet, Biological Conservation 161 (2013) p.10-17
(4) Fiche espèce: le colin d'Alaska,
(5) Council motion – GOA Groundfish harvest specifications (pdf qui s'ouvre), NPFMC
(6) "Guide pour la réduction des prises accessoires dans la pêche au chalut des crevettes tropicales", FAO (2009)
(7) "Is it time for Bering Sea Canyon Marine Protected Areas yet?", Greenpeace (8 avril 2014)
(8) "Canyons, Corals, and Sustainable Fishing in the Bering Sea", NOAA (juin 2014)
(9) "Le thon rouge de Méditerranée souffre plus que jamais de surpêche et de fraudes", Notre Planète info (oct. 2011)
(*) [MàJ 16/09/14] Je cite, sur le communiqué de presse du MSC:"Lors de l'évaluation, l’organisme de certification a identifié huit plans d’actions que la pêcherie devra accomplir durant la période de certification et qui permettront notamment de renforcer son programme de surveillance et d'observation". On est donc bien dans les engagements. Pas des pratiques déjà en cours...

mardi, 12 août 2014

#VenezVerifier Fleury Michon : c'est fait!!!

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Durant 3 mois, j'ai participé en tant que blogueur à la campagne #VenezVerifier de Fleury Michon, visant à démontrer la qualité de son surimi (voir article "Fabrication du surimi: des additifs à la pêche durable"). Dans ce cadre, des blogueurs ont été conviés à observer tout le processus de fabrication, de la pêche du colin d'Alaska au produit final - l'entreprise faisant le pari osé d'ouvrir les portes de ses usines et d'embarquer quelques blogueurs (dont j'ai fait partie) à bord d'un chalutier. Premiers retours sur une aventure humaine extraordinaire.

 

Un groupe agroalimentaire qui ouvre ainsi ses portes, c'est à la fois passionnant et absolument exceptionnel (j'en sais quelque chose, le blog vient de fêter ses 9 ans d'existence). Or, cela tombait bien, j'avais constaté peu avant le lancement de la campagne qu'effectivement, le surimi de Fleury Michon n'avait aucune cochonnerie contrairement à la concurrence. J'ai donc tout de suite été prise au jeu d'en savoir plus. Après la visite d'usine en Vendée (fabrication du surimi à partir des pains de poissons), restait le principal: la pêche et la transformation du poisson en pains.

 

Si une trentaine de blogueurs étaient présents au démarrage, impossible financièrement d'emmener tout le monde sur un chalutier au beau milieu du Pacifique. Mais au fur et à mesure de l'avancée de la campagne, seule une petite quinzaine de blogueurs participaient au stage de survie en mer - étape obligatoire avant sélection finale (voir article "Tout va bien, je suis dans un radeau de survie!").

 

Au delà de passer le stage avec succès, le choix définitif des 6 blogueurs retenus a surtout reposé sur leur motivation et leur diversité: une blogueuse culinaire, un nutritionniste, 2 blogueuses famille/maman, un du marketing et moi de l'environnement. Pas de favoritisme en fonction d'éventuels kilos d'éloges, je suis la première à pouvoir l'attester!

 

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Nous sommes donc partis début juillet pour Seattle, point de chute où siège le Genuine Alaska Pollock Producers (GAPP) - l'organisme regroupant les pêcheries de Colin ("Pollock", en anglais). Puis direction Dutch Harbor en Alaska, principal port de pêche des États-Unis situé au milieu des Îles Aléoutiennes, entre le Pacifique et la mer de Bering (voir la carte). Nous avons passé une journée en mer sur un chalutier de la compagnie Trident Seafood pour assister aux remontées des filets et observer les conditions de pêche. Enfin, nous avons visité une des usines de transformation du poisson en pains congelés (celle d'UniSea), qui sont ensuite acheminés en Vendée pour fabriquer le surimi.

 

Je reste bluffée par l'opération de Fleury Michon. Évidemment, on trouvera toujours à redire, tout n'est pas rose quand on prélève des milliers de tonnes de poissons arrachés à la mer. Mais leur volonté de transparence doit être saluée. Ma seule présence en blogueuse environnement (sujet hautement plus sensible dans ce contexte que les thèmes culinaire, maman ou marketing) en sont une belle preuve.

 

Ces 8 jours d'aventure ont été tellement riches d'enseignement et de découvertes que je vais prendre un peu de temps pour rendre compte de mon analyse. Je vous donne donc rendez-vous à la rentrée. Restez à l'écoute!

jeudi, 12 juin 2014

Tout va bien, je suis dans un radeau de survie!

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En avril dernier, j'annonçais participer à la campagne #VENEZVERIFIER de Fleury Michon, invitée en tant que blogueur à décrypter le processus de fabrication de son surimi. Après la visite de l'usine de fabrication en Vendée, la campagne va bientôt s'achever à bord d'un chalutier en Alaska où 5 blogueurs sélectionnés remonteront jusqu'à la source : la pêche du poisson. En préparation à cette dernière étape, Fleury Michon a organisé un stage de survie en mer sous la houlette de la Société Nationale de Sauvetage En Mer (SNSM) - des gens extraordinaires. 

 

La SNSM, quézako?

Association reconnue d’utilité publique, la SNSM réunit 7000 bénévoles (opérationnels et cadres) et une poignée de salariés répartis dans 221 stations de sauvetage en France métropolitaine et outre-mer, 273 postes de secours sur les plages et 31 centres de formation.


Le jour où vous vous noyez ou que votre bateau coule, c'est eux qui viennent vous secourir.

Mais oubliez illico les images d'Alerte à Malibu (je parle du matériel high tech flambant neuf, bien sûr). Près de 75% des financements de l'asso reposent sur des fonds privés. Même le véhicule venu nous chercher était subventionné par Les Mousquetaires! Il est choquant d'apprendre que contrairement aux pompiers volontaires indemnisés, les bénévoles de la SNSM ne touchent pas un kopeck. Trouver des recrues devient un tour de force pour gérer des centres de sauvetage 7j/7, augmentant les contraintes sur chacun, rendant le recrutement encore plus dur. La boucle est bouclée.

Or, aucune alternative financée par l'État n'existe tandis que la SNSM doit perdre son temps à courir après des fonds pour survivre... elle qui veille précisément à notre survie, c'est un comble!

Les chaussures pour nager, c'est pas le pied...

Tout a commencé par une belle matinée ensoleillée avec une petite troupe de blogueurs encadrés par la formidable équipe de la SNSM du Havre. Après un démarrage "en douceur" (200m nage libre puis 50m nage chronométrée...), nous enchaînons avec un 50m chrono tout habillé. Ben oui, vous tombez rarement d'un bateau en bikini.

Je vous invite à tenter l'expérience : oubliez tout ce qu'on vous a appris, vos jambes ne servent plus à rien. Vraiment. Seuls vos bras vous font avancer, c'est déroutant et l'énergie décline rapidement (1).

Comment ressembler à un surimi géant

Un déjeuner plus tard, nous partions en vedette, après avoir enfilé une combinaison de surimi géant survie, arnachés tels des casimirs en gants de cuisine moufles. C'est la que la torture l'exercice a commencé. Le bateau stoppé en travers au large (histoire de prendre tous les creux de vague à l'arrêt), nous avons été conviés à descendre dans la cale pour taper la causette... enfermement et ballotement, l'idéal pour le mal de mer. Certains surimis sont devenus livides... Puis nous sommes remontés sur le pont, en nous demandant quelle mouche nous avait piqués de venir à ce stage.

A bord du radeau de la Méduse survie

Après le lancement d'une valise blanche de 30kg qui s'ouvre d'un coup de tirette, déployant le radeau en une fraction de secondes, restait plus qu'à sauter du pont et nager jusqu'à lui, habillé en casimir. Il faut dire que la combinaison est hallucinante: plutôt légère, on reste au sec, isolé du froid, en flottant comme une bouée. Le hic est que... nager est une autre paire de moufles manches. Sur le dos (obligatoirement puisqu'on flotte), seuls les bras permettent de se mouvoir, avec la sensation (bien réelle) de faire du surplace - voire de reculer. Puis il faut se hisser à bord. Sans impulsion ni appui (hormis une sangle ballotant sous l'eau), mieux vaut en avoir dans les bras et les jambes !

Viennent alors les joies d'être enfermé assis dans un truc qui pue le plastique, subissant chaque creux de vague en dérivant au large. Comment vous dire... pas un blogueur ne s'en est sorti indemne, finissant au minimum barbouillé. Sans surprise, la 1ère règle inculquée à bord (après avoir détaché le radeau du bateau) est de prendre un comprimé contre le mal de mer (présent dans le kit de survie en sus de l'eau, la nourriture, nécessaire de pêche, pharmacie et... jeu de cartes).

Après un temps paraissant interminable, il était temps de regagner le bateau revenu nous chercher (je vous rassure, 3 sauveteurs étaient en permanence avec nous). Histoire de ne pas être séparés, nous avons fait la chenille sur mer en calant nos pieds sous les aisselles du suivant. Épique...

Terre, que je t'aime...

Après être remontés sur la vedette, direction la bonne vieille terre ferme. Ouf. J'ai bien tenu le choc, même si l'odeur de plastique du radeau n'a vraiment pas aidé. Pourtant, malgré la fatigue et le côté sadomaso de la journée, aucun d'entre nous ne regrette. Comme disent les sauveteurs, ce type de stage fait prendre conscience de la dangerosité de la mer et notre vigilance n'en ressort qu'accrue. C'est inouï que l'exercice ne soit pas obligatoire pour les plaisanciers!

On se sent si petit et fragile en mer... aussi courte soit-elle, cette journée s'est révélée une belle aventure humaine et la gentillesse des sauveteurs du Havre y était pour beaucoup. Merci à eux, merci à Fleury Michon pour avoir rendu cela possible.

Bon et bien... il ne reste plus qu'à espérer être sélectionnée pour la dernière étape (mais sans mise en pratique du radeau en plein Pacifique, SVP merci).

 

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(1) Dans certains pays comme les Pays-Bas, apprendre à nager habillé fait partie du cursus scolaire.

lundi, 07 avril 2014

Fabrication du surimi : des additifs à la pêche durable?

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J’ai longtemps pensé que le surimi était un ersatz de poisson fabriqué à partir de résidus agrémentés de conservateurs, de colorants et autres joyeusetés artificielles. Optimiser ainsi des supposés restes n’était pas un problème, recourir à ces produits additifs, si.


Or, en février dernier, je me suis retrouvée au rayon des surimis où il me prit l’envie de lire les ingrédients. Je n’étais pas déçue, enchaînant les cumuls d’additifs dégueu jusqu’à ce que, surprise, je tombe sur une marque (Fleury Michon en l'occurence) où ne figuraient ni polyphosphate ou sorbitol (stabilisants), ni glutamate de sodium (exhausteur de goût), ni carmin (colorant naturel*). Effet wow garanti…


Le mois suivant, le hasard faisant bien les choses, voilà que cette même marque me contacte pour m’inviter à décrypter le processus de fabrication de son surimi. Mot d’ordre ? #VENEZVERIFIER, nom officiel de cette campagne visant à démontrer la qualité de sa production. Piquée au vif, j’ai accepté de relever le défi. [ndlr. Je rappelle que ce n'est pas un billet sponsorisé, mais bien la narration d’une expérience blogueur/marque où vous, lecteur, avez tout loisir d’intervenir au travers de vos commentaires].


Les additifs

Première action, forte de mon expérience au supermarché local : aller à la pêche aux ingrédients des bâtonnets de base d’un plus grand panel de concurrents. Le constat s’impose : Coraya, Cora, Auchan, Monoprix, Leclerc (produit par Fleury Michon**) comportent tous un cocktail de stabilisants (sorbitol E420 et/ou polyphosphates E452), du glutamate de sodium, voire un colorant dont on se passe (carmin plutôt que du paprika). Seules marques rescapées : des bâtonnets Carrefour (aussi produits par Fleury Michon) et Compagnie des pêches St Malo (dont certains ingrédients sont même issus de l’agriculture biologique). [N’hésitez pas à compléter en commentaire].


La pêche est-elle durable ?

Le surimi est composé de filets (et non de résidus) de poisson à chair blanche mixés (minimum 35% du produit fini selon la norme AFNOR en vigueur), auxquels sont ajoutés de la fécule, des blancs d’œuf, de l’huile végétale (Colza généralement) et des arômes. Il s’agit le plus souvent de colin d’Alaska – en l’occurrence, Fleury Michon recourt à 90% de colin et 10% de Merlu blanc du Pacifique (liens en anglais car beaucoup plus complets). On regrettera que sauf exception, aucune marque ne précise les espèces de poisson dans ses ingrédients [MàJ 12/04/14 : bonne nouvelle, cela va devenir obligatoire dans les prochains mois].

Plusieurs enseignes proposent des surimis dont le poisson est labellisé MSC (Marine Stewardship Council), c'est-à-dire considéré comme ayant été pêché durablement, sans mettre les stocks en danger. C’est le cas pour Fleury Michon (mais aussi pour Coraya notamment).

Or, rien qu’en France, 60.000 tonnes de surimi sont consommés par an (la marque occupant 25% de ce marché). Mondialement, les quantités font donc frémir et plusieurs ONG (Greenpeace en tête) réclament de réviser les statuts du Colin et du Merlu – qui ne sont actuellement pas considérés en danger.

Cette question de la quantité est au cœur même de nos modes de consommation dont le consommateur est le premier acteur. Car oui, cela peut faire figure de lapalissade… mais c’est toujours le consommateur qui peut tuer une marque et non le contraire. Comme je le dis toujours, aucune goutte de pluie ne se sent responsable des inondations.

Étape n°1: des bons points...

Je reconnais que Fleury Michon a fait effectivement un gros effort sur ses produits au regard de la concurrence (pour un prix à peine plus cher). L’exploration se poursuit (décryptage des modes de pêche, des arômes ajoutés…) et si la marque continue à jouer le jeu, même si tout n’est pas parfait, nous pourrons alors saluer sa volonté de transparence. Je vous tiens bien évidemment au courant ;-)

D’ici là, je vous invite à me faire part de vos interrogations/critiques/remarques dans les commentaires.

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* Le carmin est un colorant produit à partir de cochenille, un insecte vivant sur des cactus surtout cultivés en Amérique latine. Diverses étapes sont nécessaires pour obtenir le colorant, avec parfois un traitement aux sels d’aluminium. Colorant potentiellement allergisant. Plus d'info sur ce site. Sincèrement, quand on sait qu'on peut obtenir la même coloration de surimi avec du paprika...
** Pour info, nombre de grands fabricants fournissent les marques distributeurs - avec l'obligation de répondre au cahier des charges de ces derniers, d'où des différences de recettes. Concernant Leclerc, il semblerait que certains additifs comme le polyphosphate viennent d'être supprimés. Info non vérifiée.