lundi, 06 octobre 2014
Label MSC (Marine Stewardship Council): droit de réponse
Il y a peu, je faisais le Bilan de la campagne #VenezVérifier de Fleury Michon, notamment sur la pêche du Colin d'Alaska pour la fabrication des surimis. J'ai alors critiqué le label MSC, garant officiel d'une pêche durable, qui venait de labelliser une pêcherie russe, en questionnant le sérieux de la démarche. Le lendemain, l'équipe MCS France me tombait dessus, m'accusant de mauvaise foi et de dénigrement. Je mettais à mal 5 ans de travail en Russie et j'étais bien naïve de croire que le système américain était mieux et sans corruption (heu... drôle de commentaire du MSC sachant qu'il certifie le Colin US!!!). Je n'ai pas apprécié le ton, mais le blog étant un espace d'échange, j'ai offert le droit de réponse ci-après... non sans rappeler quelques précisions au préalable.
Car certes, certifier une pêcherie russe devrait normalement inciter d'autres entreprises russes à minimiser leurs impacts pour espérer être labellisées (rentabilité accrue car un nombre grandissant de clients sont demandeurs) - de quoi faire bouger dans le bon sens. Pour autant, mes critiques sont loin d'être infondées et voici pourquoi :
1. La réalité écologique de ce label
Les scientifiques critiquant le MSC pointent unanimement du doigt des problèmes de méthodes pour évaluer les stocks, comme ils en témoignent en 2013 dans Nature (une des plus importantes publications scientifiques mondiales) ou NPR (principale radio US non commerciale). Une étude allemande parue en 2012 révèle d'ailleurs que 31% des stocks labellisés dans le monde ne sont pas durables (Source: Nature)! Ouch. De surcroît, l'usage de chaluts (des chalutiers usines sont certifiés!!!) est tout sauf écolo, comme le rappelle Greenpeace (lire mon bilan) - lire aussi l'article paru en 2011 du New York Times.
2. Conséquences pour le consommateur
Le système du MSC accepte de certifier sur la foi d'engagements à réaliser sur 5 ans en sus d'un minimum requis (le cas pour la pêcherie russe). Or, labelliser des engagements et non du 100% factuel, c'est leurrer l'acheteur. Imaginez un produit annoncé sans OGM où en réalité, l'agriculteur fait certes pleins d'efforts, mais dispose de 5 ans pour vraiment supprimer toute trace d'OGM. Vous trouvez ça normal? Moi non, tout comme plusieurs chercheurs (lire Alternet ou articles cités au point 1). Entre ça et la controverse sur la durabilité des stocks, la confiance est ébranlée... Alors pourquoi des ONG comme le WWF soutiennent le MSC? Parce que la certification exige malgré tout un certain suivi et certaines pratiques moins impactantes. Et tant pis si mon chalut racle les fonds marins... Sauf qu'un label, c'est une forme d'absolution aux yeux du consommateurs - incapables d'en distinguer les tenants et les aboutissants. Ne pas respecter les objectifs annoncés fait plutôt figure de technique marketing.
3. L'éthique du MSC
En 2013, les pêcheries ont demandé au MSC de faire pression sur le WWF Canada pour retirer une vidéo invitant le consommateur à acheter MSC, en montrant les effets environnementaux de gros chalutiers (qui constituent 84% de la flotte certifiée MSC - voir sources ici et là), question d'image. Le MSC a obtenu gain de cause et fait retirer illico la vidéo! Or, déjà en 2010, sur rue89, un chercheur et les Amis de la Terre critiquaient (ou)vertement l'indépendance des sociétés d'audit (problème récurrent au demeurant pour nombre de labels). Le MSC les a vivement retoqués 3 jours plus tard. Rebelote en 2013 lors de la parution d'une étude rassemblant 11 chercheurs accusant le label d'être top conciliant. Retoqués 3 jours plus tard par le MSC (lire leur réponse). Idem pour l'article de la NPR cité plus haut. Retoqué 24h plus tard (lire ici)... comme pour mon article. Je ne sais pas vous, mais cela ressemble à une véritable chasse aux sorcières...
Alors... MSC ou pas MSC?
Soyons honnête, à choisir, je privilégierais un poisson certifié, non en me disant "ouf, c'est durable" (c'est faux), mais parce que faute de mieux, ce label a le mérite d'attester d'un suivi (y compris d'ONG), accompagné de contrôles et contraintes interdisant aux entreprises de faire n'importe quoi. C'est déjà pas mal, même si on reste loin des objectifs annoncés. Mais laissons la parole au MSC.
Droit de réponse du MSC à l'article paru sur Gestes Environnement
[Suite à l'article Bilan de la campagne #VenezVérifier de Fleury Michon], l’équipe du Marine Stewardship Council France (MSC) a contacté son auteure, afin de pouvoir clarifier certaines incompréhensions, actualiser des données, et corriger des erreurs qui auraient pu être évitées par un entretien préalable. Déçus de voir que tout le travail entrepris par nos équipes, par les pêcheurs, les entreprises de produits de la mer et les scientifiques engagés dans le programme MSC pouvait être ainsi déconsidéré et résumé par la simple phrase de l’article « Pour le sérieux du MSC, on repassera », nous nous sommes permis de lui transmettre notre réponse.
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lundi, 15 septembre 2014
BILAN de la campagne #VenezVerifier de Fleury Michon
D'avril à juillet 2014, j'ai participé en tant que blogueur à la campagne #VenezVerifier de Fleury Michon, visant à démontrer la qualité de son surimi (voir précédents articles ici et là). De la visite des usines de production en Vendée à la pêche du Colin d'Alaska et la fabrication de pains de poissons, j'ai ainsi suivi tout le processus de fabrication, allant même jusqu'à embarquer à bord d'un chalutier. Il est donc temps pour moi de faire le bilan.
Lorsque la campagne a démarré, j'ai rapidement été interpellée par l'absence d'additif et de colorant dans la recette des surimis de Fleury Michon, se démarquant ainsi d'une grande partie de la concurrence (à commencer par Coraya...). Cette bonne surprise m'a donné envie d'aller plus loin, l'occasion de se pencher sur LA question sensible : le poisson. Confronter la réalité est toutefois loin d'être évident, comme en témoigne cette vidéo que j'ai prise sur le chalutier:
Certes, le poisson pêché est labellisé MSC (Marine Stewardship Council), sensé garantir une pêche durable ne mettant pas les stocks en danger. Est-ce suffisant? Rien qu'en France, 60.000 tonnes de surimi sont consommés par an, soit 21.000 tonnes de "surimi base" (la pâte de poisson formée à partir des filets et constituant environ 35% des surimis). La marque occupant 25% de ce marché, il faut donc 5250 tonnes de surimi base (soit probablement quelques 10.000 tonnes de poissons entiers) - une bagatelle comparé à la production mondiale d'1 million de tonnes de surimi base (1).
Le Colin d'Alaska représente environ la moitié de la production mondiale. Mais pour Fleury Michon, il constitue 90% du poisson utilisé. C'est donc sur lui que je me concentrerai - n'ayant pu observer la pêche du Merlu blanc du Pacifique (les 10% restants). L'analyse portera donc sur les points suivants:
- Les garanties du label MSC
- Suivi des stocks et gestion halieutique
- Les méthodes de surveillance
- Les impacts sur l'environnement
1. Les garanties du label MSC
Le MSC est un label certifiant la pêche durable, afin de prémunir contre la surexploitation des ressources halieutiques. Né en 1997 à l'initiative du WWF et le groupe Unilever, le MSC certifie aujourd’hui 179 pêcheries dans le monde représentant 7 millions de tonnes de poissons, soit environ 7% des captures mondiales (chiffres 2012) (2).
Cependant, le MSC fait régulièrement l'objet de vives critiques, accusé d'être un peu trop conciliant. Une étude en 2013 (3) concluait que les principes du MSC étaient trop indulgents, en permettant une interprétation trop généreuse par les auditeurs - tout en rejetant la plupart des recours des ONG (un mécanisme faisant partie intégrante du processus, mais jamais suivi d'effet). [MàJ du 16/09/14: Le MSC a répondu à ces accusations affirmant que l'objectif de la procédure d’objection était incompris, que certains scientifiques étaient juges et partis, rappelant par ailleurs que 9 objections sur 19 avaient abouti à la révision des rapports et à la mise en place de 13 nouvelles conditions pour les pêcheries concernées. Mais attendez... si les auteurs de l'étude sont à la fois juges et partis, c'est qu'ils connaissent particulièrement bien les procédures et sont les plus à même de les critiquer, non? Or, des ONG comme Greenpeace et Bloom (co-auteurs) perdent rarement leur temps à dénoncer des dysfonctionnements sans fondement...].
Or, un échange avec une scientifique de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration - agence américaine responsable de l'étude de l'océan et de l'atmosphère) a révélé que le MSC venait récemment de labelliser plusieurs une pêcherie de Colin russe [MàJ 16/09/14] ... qui s'engage à respecter les critères du label, sans qu'aucune preuve ne puisse évidemment être apportée (*) - suivi et transparence russe oblige (on voit les dégâts avec la pêche illégale du crabe royal en Russie)... D'ici quelques temps, le consommateur devrait donc se retrouver à manger du colin russe pseudo labellisé dont il est impossible de vérifier le respect d'une pêche durable.
Pour le sérieux du MSC, on repassera. Fleury Michon n'est évidemment pas fautif, mais il convient désormais pour toute entreprise visant à être responsable de s'assurer que leurs fournisseurs puissent attester de leurs pratiques - et ne pas se contenter de la seule apposition d'un label. Cela semble être le cas avec le suivi américain du Colin (lire ci-après). Espérons que Fleury Michon ne sera pas tenté de sitôt à aller voir ailleurs, comme le fait déjà le groupe Iglo.
2. Suivi des stocks et gestion halieutique
Le colin d’Alaska (Theragra chalcogramma) vit dans le Pacifique Nord entre 100 et 300 m de profondeur. Il peut vivre 30 ans, atteignant sa maturité sexuelle vers 3-4 ans quand il mesure entre 20 et 50 cm (c'est l'âge à partir duquel il est pêché). Adulte, il peut mesurer jusqu’à 130 cm et peser 18 kg. Se répartissant en une douzaine de stocks distincts, ces derniers sont gérés par les administrations nationales (États-Unis, Japon, Russie, Corée du Nord), voire des commissions internationales quand les stocks chevauchent plusieurs eaux nationales. C'est la première espèce pêchée dans le monde, à raison d'environ 3 millions de tonnes par an ces dernières années contre 7 millions à la fin des années 80 - un déclin qui serait dû, entre autres facteurs, à la surexploitation de certains stocks (4).
Le colin reste toutefois régi par des quotas de pêche établis annuellement sur la base de recommandations scientifiques : l'ABC (Acceptable Biological Catch ou prises biologiques acceptables). Aux États-Unis, c'est ensuite le NPFMC (North Pacific Fishery Management Council) qui détermine le TAC (Total Allowable Catch ou total admissible de capture), en dessous ou égal à l'ABC. Si le TAC a chuté ces dernières années, il connait à nouveau une hausse (1,2 millions de tonnes en 2013, 1,75 en 2014 et 1,94 en 2015) (5).
Par ailleurs, des limites sont également fixées pour les prises accessoires (des espèces se retrouvant dans les filets bien que n'étant pas la cible des bateaux): les prises accidentelles de saumon notamment sont très contrôlées. Cet été, les prises trop importantes de calmars ont entraîné la fermeture de zones de pêche pour éviter d'atteindre les limites admissibles. Une fois celles-ci atteintes, toute la pêche au colin s'arrête pour la saison, que les pêcheurs aient ou non atteint le quota de colin. Enfin, ça, c'est pour la théorie. J'ai posé la question à des responsables de pêcheries: ils m'ont affirmé que ces limites n'avaient jamais été atteintes (donc, la pêche n'a jamais stoppé). Doit-on remercier des techniques de pêche ultra perfectionnées ou des limites trop élevées?
Il faut reconnaître cependant que le colin a la particularité de vivre en très larges bancs. De ce fait, aidé également par des filets adaptés laissant d'autres espèces s'échapper, 99% des prises sont du colin, ce qui évite un gâchis énorme (en moyenne, les prises accessoires sur le volume global
mondial pêché est de 8%, mais peut atteindre 95% pour les crevettes tropicales... une honte)(6). Nous l'avons vu sur le chalutier, sur deux chaluts remontés, le colin s'étalait à perte de vue, les autres espèces étaient très rares. D'ailleurs, les bancs de colin sont parfaitement reconnaissables sur les écrans de contrôle des chalutiers, comme en attestent ces captures d'écrans. Cela permet de jeter les filets au meilleur moment.
Enfin, des zones ont été établies, où la pêche est strictement interdite, notamment une petite bande de quelques kilomètres le long des côtes, mais aussi des parcs nationaux et des réserves (accéder à la carte) qui servent de refuge à la vie sauvage, tout particulièrement les lions de mer.
3. Les méthodes de surveillance
Dès lors que des quotas sont fixés, le déclaratif ne suffit pas et des contrôles constants sont effectués par des observateurs fédéraux. Ce sont des scientifiques diplômés en biologie marine, recrutés par un petit groupe d'agences assermentées pour le compte de la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration). Chaque bateau partant en mer embarque obligatoirement un observateur fédéral, présent tout au long de la remontée des filets.
Ce dernier prélève des échantillons de poissons (cf. photo de droite en tête d'article) qui sont pesés et mesurés et les prises accessoires sont répertoriées. Un observateur ne passe jamais plus d'une saison à bord d'un même bateau (2 saisons par an, de janvier à avril, puis de juin à octobre), pour éviter tout "copinage", la corruption étant par ailleurs lourdement condamnée. J'imagine déjà la tête de nos pêcheurs français si des observateurs étaient imposés systématiquement à bord!!!
Par la suite, un autre observateur est présent lorsque le poisson est débarqué à l'usine. Dans celle que nous avons visitée, les prises accessoires triées ensuite des tapis roulants atterrissaient dans des bacs dont le contenu était on ne peut plus visible de l'extérieur. N'importe quel observateur peut y jeter un coup d'oeil...
Des tableaux de suivi, bateau par bateau, espèce par espèce sont diffusés pour suivre l'état des prises quotidiennement. Chaque pêcherie peut donc gérer ses quotas et donner des directives à sa flotte qui sortirait de la moyenne, mettant en péril le reste de la saison. Franchement, sur cet aspect, c'est très certainement bien plus sérieux qu'en Europe.
4. Les impacts sur l'environnement
Est-ce vraiment durable de pêcher un million de tonnes de poisson chaque année (rien qu'aux US)? Nous pourrions croire que les quotas sont ajustés de manière à préserver la manne... Pourtant, certaines ONG ne l'entendent pas de cette oreille, Greenpeace en tête, mais aussi l'aquarium de Monterey (Californie), à l'origine de Seafood Watch, un des plus vastes programmes de sensibilisation à la pêche durable dans le monde.
Ainsi, si l'aquarium reconnaissait que le colin d'Alaska était généralement bien géré, des questions subsistaient sur l'état des populations (qui ont connu un déclin depuis 20 ans) et les impacts des chaluts. En effet, bien que les pêcheries n'utilisent dans la mer de Béring que des filets d'eaux moyennement profondes, il est estimé que ces chaluts touchent les fonds marins 44% du temps. Étonnamment, j'ai du recourir au cache de Google (permettant de rendre visible d'anciennes pages) pour retrouver ces données citées dans plusieurs articles parus en 2013, mais qui ont désormais disparu du site de Seafood Watch.
En raclant les fonds marins, les filets endommagent les éponges et les nombreux coraux d'eaux froides, d'autant plus fragiles que leur croissance est très lente (4 à 25 mm/an). En 2007 et 2012, Greenpeace a d'ailleurs mené plusieurs expéditions dans la mer de Béring, entre l’Alaska et la Russie, pour filmer les profondeurs et les canyons Zhemchug et Pribilof, les plus grands canyons sous-marins du monde. L'ONG a ainsi révélé l’existence d’une faune incroyablement diversifiée, qui reste extrêmement vulnérable face à la surpêche dans cette région du globe, comme le montre ce petit reportage de LinkTV.
L'ONG estime que 73 tonnes de coraux sont réduits en miette chaque année dans la mer de Béring et les Îles Aléoutiennes (7), proposant alors la mise en place d’une zone protégée autour de ces deux gros canyons pour servir de pépinière de jeune poissons et contribuer au repeuplement des fonds marins - sachant que seuls 4% des colins y sont pêchés. En avril dernier, l'ONG a été déboutée de sa demande. La NOAA estime que "des zones entières de ces grands canyons n'abritent quasiment pas de coraux tandis que de larges zones en dehors de ces périmètres en sont très riches. Si le but est de protéger ces habitats sensibles, il y a sans doute de meilleures façons de le faire que de fermer tout simplement l'accès de ces canyons à la pêche" (8). Si Greenpeace dit vrai, à savoir que seul 4% du colin y est pêché, cela semble plus subtile de protéger ces zones que recourir aux "meilleures solutions" de la NOAA que personne ne propose au demeurant pour l'instant...
Enfin, il persiste des inquiétudes sur le rôle de la pêche et le déclin des lions de mer de Steller, désormais très protégés, mais qui se nourrissent notamment de colin. De gros efforts ont été fait à ce niveau depuis 10 ans, avec la mise en place de zones interdites de pêche - mais des études plus poussées sont nécessaires pour comprendre toute la chaîne alimentaire et la façon dont la pêche peut impacter à différents échelons.
Et Fleury Michon dans tout cela?
Nous pourrons toujours argumenter sur les quantités pêchées, Fleury Michon n'est qu'un pion sur un échiquier où seul le consommateur joue en décidant de l'espèce qu'il consomme et en quelle quantité. A se plonger au coeur du monde de la pêche, tout n'est pas si simple. Du gâchis plus ou moins important selon les espèces à la surveillance du bon respect des quotas, des techniques utilisées à la transparence des données, il y a une hétérogénéité mondiale épouvantable et totalement opaque.
Échelle industrielle pour échelle industrielle, mieux vaut que l'entreprise s'en remette au Colin après tout. Quitte à manger du poisson, sans doute vaut-il mieux au final opter pour un poisson très surveillé, qui génère très peu de gâchis, à la condition qu'il soit pêché dans les eaux américaines et non russes (zéro confiance sur le suivi), en comptant sur la vigilance d'ONG comme Greenpeace pour identifier les zones les plus sensibles et faire pression pour les protéger.
Je rappelle qu'en 2010, la quantité de thon rouge de l'Atlantique Est négocié sur le marché mondial dépassait le quota légal de 141 % (9) et, d'une manière générale, les pêcheurs européens semblent incapables de respecter le moindre quota, quelles que soient les espèces. Ce n'est d'ailleurs qu'en 2013 que l'Union Européenne a pondu dans la douleur un accord contre la surpêche... qu'il reste à faire respecter.
Et si le consommateur commençait par devenir plus raisonnable sur les quantités qu'il absorbe, en acceptant d'y mettre le juste prix?
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Pour aller plus loin:
Un livre a vu le jour sur les enjeux de la pêche du Colin d'Alaska, je ne l'ai pas lu mais voici ses références: Kevin M. BAILEY (2013) "Billion-Dollar Fish: The Untold Story of Alaska Pollock", University Of Chicago Press, 288 p.
Sources:
(1) Guide des espèces 2013, Alliance Produits de la Mer
(2) Source: Association Bloom
(3) "A review of formal objections to Marine Stewardship Council fisheriescertifications", C. Christiana, D. Ainleyb, M. Baileyc, P. Daytond, J. Hocevare, M. LeVinef, J. Nikoloyukg, C. Nouvianh, E. Velardei, R. Wernera, J. Jacquet, Biological Conservation 161 (2013) p.10-17
(4) Fiche espèce: le colin d'Alaska,
(5) Council motion – GOA Groundfish harvest specifications (pdf qui s'ouvre), NPFMC
(6) "Guide pour la réduction des prises accessoires dans la pêche au chalut des crevettes tropicales", FAO (2009)
(7) "Is it time for Bering Sea Canyon Marine Protected Areas yet?", Greenpeace (8 avril 2014)
(8) "Canyons, Corals, and Sustainable Fishing in the Bering Sea", NOAA (juin 2014)
(9) "Le thon rouge de Méditerranée souffre plus que jamais de surpêche et de fraudes", Notre Planète info (oct. 2011)
(*) [MàJ 16/09/14] Je cite, sur le communiqué de presse du MSC:"Lors de l'évaluation, l’organisme de certification a identifié huit plans d’actions que la pêcherie devra accomplir durant la période de certification et qui permettront notamment de renforcer son programme de surveillance et d'observation". On est donc bien dans les engagements. Pas des pratiques déjà en cours...
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lundi, 07 avril 2014
Fabrication du surimi : des additifs à la pêche durable?
J’ai longtemps pensé que le surimi était un ersatz de poisson fabriqué à partir de résidus agrémentés de conservateurs, de colorants et autres joyeusetés artificielles. Optimiser ainsi des supposés restes n’était pas un problème, recourir à ces produits additifs, si.
Or, en février dernier, je me suis retrouvée au rayon des surimis où il me prit l’envie de lire les ingrédients. Je n’étais pas déçue, enchaînant les cumuls d’additifs dégueu jusqu’à ce que, surprise, je tombe sur une marque (Fleury Michon en l'occurence) où ne figuraient ni polyphosphate ou sorbitol (stabilisants), ni glutamate de sodium (exhausteur de goût), ni carmin (colorant naturel*). Effet wow garanti…
Le mois suivant, le hasard faisant bien les choses, voilà que cette même marque me contacte pour m’inviter à décrypter le processus de fabrication de son surimi. Mot d’ordre ? #VENEZVERIFIER, nom officiel de cette campagne visant à démontrer la qualité de sa production. Piquée au vif, j’ai accepté de relever le défi. [ndlr. Je rappelle que ce n'est pas un billet sponsorisé, mais bien la narration d’une expérience blogueur/marque où vous, lecteur, avez tout loisir d’intervenir au travers de vos commentaires].
Les additifs
Première action, forte de mon expérience au supermarché local : aller à la pêche aux ingrédients des bâtonnets de base d’un plus grand panel de concurrents. Le constat s’impose : Coraya, Cora, Auchan, Monoprix, Leclerc (produit par Fleury Michon**) comportent tous un cocktail de stabilisants (sorbitol E420 et/ou polyphosphates E452), du glutamate de sodium, voire un colorant dont on se passe (carmin plutôt que du paprika). Seules marques rescapées : des bâtonnets Carrefour (aussi produits par Fleury Michon) et Compagnie des pêches St Malo (dont certains ingrédients sont même issus de l’agriculture biologique). [N’hésitez pas à compléter en commentaire].
La pêche est-elle durable ?
Le surimi est composé de filets (et non de résidus) de poisson à chair blanche mixés (minimum 35% du produit fini selon la norme AFNOR en vigueur), auxquels sont ajoutés de la fécule, des blancs d’œuf, de l’huile végétale (Colza généralement) et des arômes. Il s’agit le plus souvent de colin d’Alaska – en l’occurrence, Fleury Michon recourt à 90% de colin et 10% de Merlu blanc du Pacifique (liens en anglais car beaucoup plus complets). On regrettera que sauf exception, aucune marque ne précise les espèces de poisson dans ses ingrédients [MàJ 12/04/14 : bonne nouvelle, cela va devenir obligatoire dans les prochains mois].
Plusieurs enseignes proposent des surimis dont le poisson est labellisé MSC (Marine Stewardship Council), c'est-à-dire considéré comme ayant été pêché durablement, sans mettre les stocks en danger. C’est le cas pour Fleury Michon (mais aussi pour Coraya notamment).
Or, rien qu’en France, 60.000 tonnes de surimi sont consommés par an (la marque occupant 25% de ce marché). Mondialement, les quantités font donc frémir et plusieurs ONG (Greenpeace en tête) réclament de réviser les statuts du Colin et du Merlu – qui ne sont actuellement pas considérés en danger.
Cette question de la quantité est au cœur même de nos modes de consommation dont le consommateur est le premier acteur. Car oui, cela peut faire figure de lapalissade… mais c’est toujours le consommateur qui peut tuer une marque et non le contraire. Comme je le dis toujours, aucune goutte de pluie ne se sent responsable des inondations.
Étape n°1: des bons points...
Je reconnais que Fleury Michon a fait effectivement un gros effort sur ses produits au regard de la concurrence (pour un prix à peine plus cher). L’exploration se poursuit (décryptage des modes de pêche, des arômes ajoutés…) et si la marque continue à jouer le jeu, même si tout n’est pas parfait, nous pourrons alors saluer sa volonté de transparence. Je vous tiens bien évidemment au courant ;-)
D’ici là, je vous invite à me faire part de vos interrogations/critiques/remarques dans les commentaires.
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* Le carmin est un colorant produit à partir de cochenille, un insecte vivant sur des cactus surtout cultivés en Amérique latine. Diverses étapes sont nécessaires pour obtenir le colorant, avec parfois un traitement aux sels d’aluminium. Colorant potentiellement allergisant. Plus d'info sur ce site. Sincèrement, quand on sait qu'on peut obtenir la même coloration de surimi avec du paprika...
** Pour info, nombre de grands fabricants fournissent les marques distributeurs - avec l'obligation de répondre au cahier des charges de ces derniers, d'où des différences de recettes. Concernant Leclerc, il semblerait que certains additifs comme le polyphosphate viennent d'être supprimés. Info non vérifiée.
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jeudi, 17 juin 2010
La baleine qui déTHONe
Extrait de ma chronique sur le site de l'Express...
L'équivalent de près de 80 baleines bleues ont été pêchées dans la Méditerranée cette année. En effet, 13.500 tonnes de thon, espèce désormais en voie d'extinction dans cette partie du monde, ont été capturées.
Qu'est-ce qui nous gêne le plus, finalement, dans le fait que les Japonais et les Norvégiens persistent à vouloir tuer les baleines? Est-ce la menace qui pèse sur l'espèce en voie de disparition? Les chants de l'animal nous envoûteraient-ils? Sommes-nous subjugués par ces immenses queues claquant la surface des océans au milieu des gerbes d'eau? A moins que ce ne soient les flots de sang des cétacés abattus giclant sur les bateaux qui nous révulsent?
Toujours est-il que beaucoup d'entre nous sommes scandalisés par le massacre des baleines et pour rien au monde, nous n'accepterions de goûter à leur chair. Mais je pourrais en dire autant des éléphants ou des tigres, victimes du braconnage, que nous dénonçons vivement.
Mais alors... que doit penser le Japonais, l'Indien ou le Kenyan du pêcheur européen (français en tête), qui fait un intense lobbying à Bruxelles pour augmenter ses quotas de thon rouge et poursuivre le massacre d'une espèce dont le statut est désormais plus fragile que celui de certaines baleines?
LIRE LA SUITE sur l'Express.fr
Crédit photographique: Greenpeace
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lundi, 17 décembre 2007
Du poisson labellisé
Les ressources halieutiques (produits de la pêche) sont en déclin, près de 75 % étant pleinement exploitées, surexploitées ou carrément quasiment épuisées (source: FAO). Tandis que les ONG (suite à un rapport alarmant du WWF) exigeaient un moratoire ces pêches de thon rouge en méditerranée - espèce gravement menacée d'extinction, les pêcheurs (défendus par l'ICCAT, la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l'Atlantique) ont refusé, craignant de perdre de nombreux emplois. Peu importe si tout ce qu'ils risquent est de réitérer la douloureuse expérience de leurs homologues canadiens: quand en 1992 les stocks de cabillaud (ou morue) des côtes de Terre Neuve s'effondrèrent complètement, 30 000 pêcheurs ont perdu leur job. Malgré de lourds efforts pour reconstituer les stocks, le cabillaud n'est pas revenu.
Pour cette raison, le WWF lance une campagne "Pour une pêche durable", incitant les consommateurs à adopter ces quelques gestes, tout en choisissant les espèces consommées avec soin:
- Consommez modérément les produits de la mer
- Variez les plaisirs
- Préférez les produits de la mer issus de la pêche sélective et préservatrice de l'environnement. Posez des questions concernant les méthodes de pêche à votre poissonnier. Préférez la ligne ou le casier au chalut de fond
- Evitez les poissons pouvant provenir de pêche illégale ou portant préjudice aux populations des régions d'où ils proviennent (le thon rouge, la crevette de pêche tropicale ou la sole tropicale en font partie)
- Evitez d'acheter des poissons lors de leur période de reproduction (qui peuvent être capturés plus facilement, rendant leur survie problématique)
- N'achetez pas d'espèces en danger imminent d'extinction (thon rouge, cabillaud ou morue, espèces de grands fonds: empereur, sabre, grenadier, siki, saumonette)
Pour vous aider, un guide (en .pdf) est téléchargeable
J'ajouterai à leur liste quelques espèces additionnelles à éviter*
Poissons à éviter car :
Surexploités et classés en tant qu’espèces menacées d’extinction par l’UICN (liste rouge mondiale) :
- Mérou
- Eglefin (ou Haddock) (classé par le WWF comme à consommer avec modération)
- Marlin blanc
Surexploités et classés en tant qu’espèces « vulnérables » ou « en danger » par l’UICN :
- Morue (ou Cabillaud)
- Saumon du Pacifique (indiqué comme à privilégier par le WWF... là, je ne suis pas du tout d'accord, la plupart des espèces de Saumon du Pacifique étant en danger d'extinction).
Stocks surexploités :
- Carrelet (ou plie canadienne)
- Julienne (indiqué avec modération par le WWF)
- Roussette
- Lotte (indiqué avec modération par le WWF
- Esturgeon
Données insuffisantes (donc à éviter en attendant d’en savoir plus) :
- Moustelle blanche
Exploitation détruisant des habitats (ex. Coraux) ou d’autres espèces (ex. Dauphins)
- Grenadier
- Perche
- Sprat
Poissons à privilégier en dehors de période de reproduction (= date entre parenthèse) et taille minimum pour la consommation) :
- Tacaud (mars-avril, 20 cm)
- Dorade grise (éviter en avril-mai, 20 cm)
- Clams, Coques, Moules, Huîtres communes, Pétoncles, Coquilles Saint-Jacques
- Bigorneaux (janvier-avril)
- Lieu (40 cm)
- Seiche (indiqué avec modération par le WWF)
- Limande (avril-juin, 27 cm)
- Flet (février-mai, 30 cm)
- Grondin gris ou bleu (avril-fin été, 20 cm)
- Hareng (janvier-avril, 20 cm)
- Lieu jaune (50 cm)
- Maquereau (mai-juillet, 30 cm)
- Rouget (mai-juillet, 24 cm) (WWF: avec modération)
- Truite (octobre-janvier)
- Merlan (mars-avril, 30 cm) (WWF: avec modération)
Privilégiez, dès que vous le voyez, le label MSC (Marine Stewardship Council). Comme le FSC (bois labellisé), le MSC atteste d'une pêche plus respectueuse de l'environnement et de la biodiversité.
Encore trop rare, il prend petit à petit son essor et c'est le seul label digne de ce nom pour la certification de produits marins.
Je sais bien que toutes ces recommandations ne sont pas faciles à respecter. Mais en faisant simplement un effort de temps à autre (ex. choix des espèces, taille du poisson, provenance, label...), vous aurez d'emblée apporté votre pierre à l'édifice. C'est déjà pas mal.
* En ajoutant des données de l'UICN (listes rouges mondiales) plus complètes.
Sources:
- Ressources halieutiques, FAO (Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture)
- "Coup de grâce pour le thon rouge", WWF (19 nov. 2007)
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mercredi, 29 novembre 2006
Allons pêcher dans la Seine…
Que diriez vous d’aller pêcher dans la Seine dimanche 3 décembre ? Certes, le fleuve est encore pollué et reste loin d’être exemplaire en matière de richesse de sa faune aquatique. Mais il revient de loin, très loin… De 5 espèces de poissons survivant dans la Seine il y a 40 ans, on trouve aujourd’hui 45 espèces dont plus d’une trentaine dans la traversée de Paris.
Cependant, tous ces poissons ne sont pas natifs du cours d'eau (comme le sandre, le silure ou le poisson chat, originaires d’Europe, d’Asie ou d’Amérique du Nord). Il n’en demeure pas moins que les poissons sont un précieux indicateur de la teneur en oxygène dissous de l'eau et donc, de la qualité des cours d'eau (cliquez sur l'image...).
Ainsi, de l'autre côté de la Manche, la Tamise a connu une dégradation de ses eaux similaires à la Seine, le déversement des eaux usées et l’essor industriel entraînant la diminution du nombre d’espèces piscicoles jusqu’à tomber à 0 vers 1960 (à Londres). Un gigantesque programme de stations d'épuration démarre alors. Aujourd’hui, cette opération s’est révélée être un véritable succès avec 121 espèces de poissons présents dans la Tamise.
Les efforts importants pour nettoyer la Seine commencent donc à porter leurs fruits et, tout comme la Tamise, la qualité écologique du fleuve devrait encore s’améliorer. Pour vous en rendre compte, Green Press, une agence de communication au service des entreprises vertes, vous invite à pêcher ce dimanche 3 décembre, de 10h à 12h en présence de guides de pêche sur l’île Saint Louis.
Attention, vous êtes priés de confirmer votre présence. Pour plus d’infos, rendez sur le site de Green Press.
Sources :
- The Thames Estuary Partnership website
- Agence Régionale de l’Environnement de Haute Normandie
- Aux origines des poissons de la Seine, Cemagref
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lundi, 27 novembre 2006
1 kg de crevettes qui en pèse 20 kg
La semaine dernière, les ministres européens de la Pêche ont une fois de plus balayé les propositions de réduction des quotas de la Commission Européenne pour les poissons d'eaux profondes, passant des 35% de réduction préconisés à 20, voire 15% selon les espèces dont certaines sont pourtant menacées d'extinction (lingue bleue, grenadier de roche, hoplostète orange, requin...). Comme d’habitude, la France a brillé par ses caprices en tant que première flotte de navire de pêche en eaux profondes de l'Union Européenne, avançant que 3.000 emplois seraient menacés si la proposition de la Commission était acceptée... Quant aux milliers d’emplois perdus quand les mers seront vides, silence absolu.
Mais au fait, dès lors que les pratiques de pêche sont décriées, on parle systématiquement de poisson. Savez vous cependant quelle pêche produit le plus de gâchis ?
Les crevettes. Pourquoi ? Parce que chaque kilo de crevettes attrapées entraîne jusqu’à 20 kg de poissons tués non intentionnellement (source : FAO). En effet, plus l’animal est petit, plus les mailles des filets doivent être resserrées. Et croyez vous que le poisson ainsi tué est conservé ? Non, il est rejeté. Oh, certes… il servira de nourriture à quelques charognards marins… mais l’essentiel part en poussière… Parce que nos palais sensibles ont leurs préférences et surtout… leurs habitudes. Pensez vous franchement que les adeptes de fish nuggets enrobés d’énormes panures et imbibées de ketchup feraient la différence ?
Mais non. Pas question de recourir à un mélange de petits poissons tués pour un résultat semblable. Il faut du colin (ou du lieu, c’est pareil). Les mélanges, ça fait penser aux déchets, ou ces restes qu’on met dans les boîtes pour chats…
Alors quand j’entends parfois que les petits gestes ne suffisent pas à faire la différence, il suffit de réfléchir quelques secondes à l’impact que nos choix, nos goûts (comme les déforestations massives pour satisfaire nos exigences de bois rares), nos habitudes ont sur le monde. Car ce qui se passe parfois à l’autre bout du globe est le résultat d’un choix personnel et bien local, celui-là.
Sources
- "Accord à Bruxelles sur une réduction des quotas pour la pêche en eaux profondes", Yahoo actualités, 21 nov. 2006
- Site de la DG Pêche (Commission Européenne)
- "Shrimp trawlers look to cut waste", BBC News, 24 Novembre 2006
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