lundi, 29 septembre 2008
Aquaduct: pédalez pour de l'eau propre!
Aquaduct est un tricycle qui permet de filtrer l'eau pour la purifier tout en roulant. Si l'idée peut paraître saugrenue, il n'en est rien. Quand des millions d'hommes et de femmes dans le monde doivent parcourir des kilomètres pour aller chercher de l'eau, le concept est tout simplement génial.
Développé par 5 ingénieurs californiens de la société Ideo, ce projet a remporté le concours international "Innovate or Die" lancé par Specialized Bicycles et Google début 2008.
Concrètement, il suffit de remplir la cuve de 75L à l'arrière du tricycle avec de l'eau (rarement tout à fait potable dans les pays émergents). Ensuite, l'action de pédaler en roulant permet également de filtrer l'eau qui remplit petit à petit le bac à l'avant. A l'arrivée, pour peu que le point d'eau se situe à quelques kilomètres, le bac est rempli d'eau propre, prête à l'emploi. Pour l'eau restant dans la cuve, un mécanisme permet de bloquer les roues pour la filtrer en pédalant sur place. Voici une vidéo de démonstration:
Même si l'Aquaduct présenté au concours n'était encore qu'un prototype, le travail semble se poursuivre pour permettre à ce projet de voir vraiment le jour. Même s'il semble inconcevable pour des raisons de coût que chaque famille puisse posséder un tel engin, il n'est pas impossible que le principe soit repris localement, tant l'ingéniosité des populations de pays émergent s'avère souvent surprenante. Il n'y a plus qu'à espérer!
Sources:
- Blog de l'équipe d'Aquaduct
- "Aquaduct by Ideo", publié par Dezeen - Design Magazine (11/03/08)
- Site officiel de la société Ideo
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vendredi, 15 août 2008
Des éléphants de mer embauchés au CNRS
Pour mieux comprendre la circulation océanique et le processus de formation des eaux froides en Antarctique, des chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle et du CNRS (en collaboration avec des équipes étrangères) ont eu l'idée de fixer des capteurs miniatures sur 58 éléphants de mer entre 2004 et 2005 dans le cadre du projet SEaOS (Southern Elephant Seals as Oceanographic Samplers). Ce dispositif a permis de fournir de précieuses données sur la température et la salinité de l’eau au sud de l’océan Austral qui viennet d'être publiées.
Sans ces animaux, recueillir de telles informations est quasiment impossible: les éléphants de mer peuvent plonger dans les profondeurs (-600m en moyenne, record à -1998m), parfois à la vertical. L'utilisation de balises Argos dernières génération permet de fournir de résultats en temps réel. Les 58 apprentis chercheurs ont ainsi transmis plus de 16 500 profils de température et salinité, dont 4 520 dans la banquise antarctique pendant l’automne et l’hiver austral, période durant laquelle quasiment aucune autre donnée n’est disponible.
Quels sont les enjeux?
Ces eaux froides constituent le moteur de la circulation thermohaline, l’un des régulateurs essentiels du climat mondial constituant un des courants les plus puissants de la planète. De quoi s'agit-il au juste? Il faut se représenter l'océan comme un mille feuille constitué de couches horizontales stables en terme de température et de salinité. Cependant, ces écarts entre strates de densités variables engendrent un processus de circulation verticale permanente et comme la Terre est elle-même en mouvement, ce processus engendre une circulation à grande échelle de l'eau des océans (imaginez que vous injectez une dose d'huile dans un bac de vinaigre en mouvement, l'huile remontera suivant une ondulation sous l'impulsion du bac).
Les données recueillies permettent de mesurer les changements de salinité de l'eau en fonction de la formation de glace et mesurer ainsi la vitesse de formation et l'épaisseur de la banquise. Comprendre les mécanismes régissant les océans est essentiel pour modéliser la formation de la banquise antarctique et mesurer les effets du réchauffement climatique.
Repensez au mille feuille: si le réchauffement fait fondre les glaces de mer, la salinité de certaines strates va être altérée (en plus de températures plus élevées). Les mouvements de circulation verticaux peuvent donc s'en trouver modifiés... Or, les eaux froides forment un des courants les plus puissants et toute modification pourrait avoir des conséquences très graves sur le climat et les écosystèmes.
Enfin, le programme contribue également directement à mieux comprendre les comportements des éléphants de mer, notamment sur les fréquences et profondeurs de plongée, susceptibles de varier en fonction des colonies observées. Les résultats complets sont disponibles directement à l'adresse (en anglais): http://biology.st-andrews.ac.uk/seaos/results_behav.htm
Voir le site officiel du projet: http://biology.st-andrews.ac.uk/seaos/
Lire également le communiqué de presse du CNRS Sciences n°9 d'août 2008.
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lundi, 09 juin 2008
Agrocarburants: 5mn pour comprendre les enjeux
Conformément aux objectifs fixés par l’Union Européenne (Directive 2003/30/CE), 5,75% d’agrocarburants devront être incorporés dans l'essence et le gazole d’ici 2010… et 7% en France.
Pour rappel, un agrocarburant (ou biocarburant… qui n’a pas grand chose de "bio") est issu de végétaux et les sources sont variées : céréales (blé, colza, maïs), canne à sucre, betterave, voire plus récemment des algues et même, des champignons (lire ci-après).
Si l’on parle tant des agrocarburants, c’est qu’ils forment une alternative aux carburants classiques avec un avantage économique certain face à un or noir en passe de se transformer en diamant noir. Toutefois, le débat fait rage sur leur réel avantage énergétique et environnemental: longtemps plébiscités comme une solution permettant de réduire les émissions de CO2, leur intérêt est de plus en plus questionné.
Quels sont les enjeux ?
Plusieurs facteurs sont en ligne de mire :
Risque de déforestation, lié aux besoins de dégager des surfaces de cultures : c’est une menace directe sur la biodiversité, entraînant de surcroît une dégradation des sols et du climat (déforestation = émissions massives de CO2).
L'Indonésie détient ainsi le triste record de taux de déforestation dans la période allant de 2000 à 2005, ayant déjà perdu 72 % de ses anciennes forêts pour répondre à la demande internationale de bois, de papier, d'huile de palme et, à présent, d’agrocarburants. Les Nations-Unis estiment qu'en 2022, 98 % des forêts indonésiennes auront disparu. 1ère victimes : les Orangs-outans, dont l’effectif de ceux de Sumatra a chuté de 91% en un siècle. Ils deviennent ainsi une des espèces les plus menacées d’extinction à l’heure actuelle.
Cet impact dramatique a été largement mis en avant par plusieurs études dont, entre autre, celle d’une équipe britannique de l’Université de Leeds, indiquant que la quantité de CO2 séquestrée par les forêts sur 30 ans excède largement la quantité d’émissions évitées par l’utilisation de biocarburants. Il est donc bien plus avantageux de conserver les forêts que de les détruire en vu de la production de ces derniers.
Destruction des écosystèmes: non seulement les forêts (et la biodiversité qu’elles abritent) sont menacées, mais les écosystèmes marins sont également touchés. Récemment, des scientifiques canadiens tiraient la sonnette d’alarme car les engrais azotés nécessaires à la production croissante d'éthanol à partir du maïs aux États-Unis menacent le golfe du Mexique. Ceux-ci se retrouvent dans l’eau et favorisent le développement d’algues (processus d’eutrophisation), étouffant la vie en dessous. Or, si les États-Unis poursuivent leurs objectifs de développement de l’éthanol, la pollution azotée augmentera de 34 %...
Dégradation des sols: plusieurs études récentes, dont celle mandatée par les offices fédéraux de l'énergie, de l'environnement et de l'agriculture suisses, indiquent que la culture et la transformation des agrocarburants nécessitent l’apport de produits chimiques s’ajoutant à la dégradation des sols et de la qualité de l’eau. Au final, le bilan énergétique est moyen (réduction au maximum de 30% les émissions de gaz à effet de serre) avec des pressions environnementales accrues (biodiversité, fertilisation intensive…)
La consommation d’eau n’est pas en reste. Des chercheurs du groupe international de recherche sur l’agriculture (CGIAR) basé au Sri Lanka ont montré qu’au Brésil, il faut 90 litres d’eau pour la production d’un litre d’éthanol (issu de la canne à sucre), 400 litres aux Etats-Unis (produit à partir de maïs), 2.400 litres en Chine (maïs) et… 3500 litres en Inde (canne à sucre). Quand on sait que la Chine veut multiplier sa production par quatre d’ici 2020, elle devra augmenter sa production de maïs de 26% - une vraie catastrophe !
Impact économique: les prix de certaines denrées en concurrence directe comme le maïs ont vu leur prix croître et sont l’objet à présent de spéculations sans précédent. L’OCDE prévoit une augmentation des prix alimentaires allant de 20 à 50% pour les 10 années à venir. En effet, la concurrence s’annonce rude. Les récoltes céréalières de 2007 ont été catastrophiques et les années à venir ne présagent rien de bon. L’année 2008 pour le blé risque d’être à son plus bas niveau depuis 25 ans et la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) prévoit que les stocks demeureront à ces niveaux dans un futur proche. Une demande de plus en plus forte combinée à des catastrophes climatiques toujours plus nombreuses expliquent en grande partie ce phénomène. Or, les filières éthanol reçoivent de surcroît des aides hallucinantes. Ainsi, il est estimé que les Etats-Unis, à eux seuls, dépensent 5 milliards d’euros par an pour aider la filière éthanol !!!
Biocarburants de seconde génération : quelles améliorations ?
Ces impacts peuvent toutefois être limités en prenant un certain nombre de mesures, comme celle de stopper la déforestation, limiter les brûlis au profit du défrichage (notamment dans les zones tropicales) ou celle de privilégier la valorisation des déchets, de l'herbe, de la paille et du bois dans nos pays tempérés. C’est l’utilisation de ce type de biomasse, complémentaires aux activités agricoles préexistantes, qui vaut l’appellation "biocarburant de seconde génération" – considérés de ce fait comme plus efficaces.
Aujourd’hui, les sources de production les plus prometteuses d’agrocarburant sont les micro-algues qui font l’objet de recherches intensives depuis quelques années. Ainsi, quand un hectare de maïs fournit 168 m3 de carburant par an, le palme en fournit entre 6540 et 7476 m3 et les algues 187.000 m3. On peut citer notamment le projet Shamash en France, démarré fin 2006. Au moins 15 start-up américaines travaillent également sur les algues (voir la liste).
Un autre prétendant dont le génome vient d'être décodé est le champignon Trichoderma reesei, qui dégrade les végétaux en sucres simples, pouvant être ensuite transformés en éthanol après fermentation.
Citons enfin le Jatropha, une plante originaire d'Amérique latine poussant sur des terres semi-arides (elle n’entre donc pas en compétition avec des cultures alimentaires - enfin... normalement). Il existe de plus en plus de pays producteurs : Inde, Philippines, Indonésie, Afrique du Sud, Burkina Faso, Mali, Ghana, Malawi, Zambie et dernièrement Madagascar – où la société D1 a commencé sa culture fin 2006 (voir la brochure en pdf).
Dans l’hypothèse d’une transformation efficace et écologique de la biomasse en énergie en quantité suffisante, sans coût prohibitif ni pour le carburant ni pour les denrées alimentaires - parallèlement à une réduction des consommations énergétiques, les agrocarburants peuvent avoir un rôle significatif dans l’approvisionnement futur en énergie.
Mais comme tout cela fait beaucoup d'hypothèses à combiner, ne soyons pas naïfs, les agrocarburants ne resteront qu’un palliatif tant que nous ne comprendrons pas la nécessité de réduire drastiquement nos niveaux de consommation.
Sources :
- "Une étude suisse démontre que tous les agrocarburants ne sont pas respectueux de l'environnement", Actu-Environnement (29 mai 2007)
- "Indonesia deforestation fastest in world: Greenpeace", Reuters (3 mai 2007)
- "Les orangs-outans menacés par la déforestation en Indonésie", Cyberpresse (11 juin 2007)
- Directive 2003/30/CE du 8 mai 2003 visant à promouvoir l'utilisation de biocarburants ou autres carburants renouvelables dans les transports (document pdf)
- "EU biofuel policy is a mistake", BBC (17 août 2007)
- "Les stocks de céréales à leur plus bas niveau depuis 25 ans", Notre-planète.info (9 oct. 2007)
- " La production d’essence verte périlleuse pour l’Inde et la Chine", Sciences & Avenir (11 oct. 2007)
- "After 30 years, algae-to-fuel finally gets the green light", Greenfuels forecast (mars 2008)
- "Bientôt des champignons génétiquement modifiés pour produire des agrocarburants ?", actu-environnement (16 mai 2008)
- "Ethanol de maïs : spéculation et famine !", Les Amis de la Terre (11 sept. 2007)
- "La production d’éthanol à partir du maïs menace le Golfe du Mexique", Le Devoir (10 mars 2008)
- Crédit photoOrang-outan: Veronique di Meo
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lundi, 17 décembre 2007
Du poisson labellisé
Les ressources halieutiques (produits de la pêche) sont en déclin, près de 75 % étant pleinement exploitées, surexploitées ou carrément quasiment épuisées (source: FAO). Tandis que les ONG (suite à un rapport alarmant du WWF) exigeaient un moratoire ces pêches de thon rouge en méditerranée - espèce gravement menacée d'extinction, les pêcheurs (défendus par l'ICCAT, la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l'Atlantique) ont refusé, craignant de perdre de nombreux emplois. Peu importe si tout ce qu'ils risquent est de réitérer la douloureuse expérience de leurs homologues canadiens: quand en 1992 les stocks de cabillaud (ou morue) des côtes de Terre Neuve s'effondrèrent complètement, 30 000 pêcheurs ont perdu leur job. Malgré de lourds efforts pour reconstituer les stocks, le cabillaud n'est pas revenu.
Pour cette raison, le WWF lance une campagne "Pour une pêche durable", incitant les consommateurs à adopter ces quelques gestes, tout en choisissant les espèces consommées avec soin:
- Consommez modérément les produits de la mer
- Variez les plaisirs
- Préférez les produits de la mer issus de la pêche sélective et préservatrice de l'environnement. Posez des questions concernant les méthodes de pêche à votre poissonnier. Préférez la ligne ou le casier au chalut de fond
- Evitez les poissons pouvant provenir de pêche illégale ou portant préjudice aux populations des régions d'où ils proviennent (le thon rouge, la crevette de pêche tropicale ou la sole tropicale en font partie)
- Evitez d'acheter des poissons lors de leur période de reproduction (qui peuvent être capturés plus facilement, rendant leur survie problématique)
- N'achetez pas d'espèces en danger imminent d'extinction (thon rouge, cabillaud ou morue, espèces de grands fonds: empereur, sabre, grenadier, siki, saumonette)
Pour vous aider, un guide (en .pdf) est téléchargeable
J'ajouterai à leur liste quelques espèces additionnelles à éviter*
Poissons à éviter car :
Surexploités et classés en tant qu’espèces menacées d’extinction par l’UICN (liste rouge mondiale) :
- Mérou
- Eglefin (ou Haddock) (classé par le WWF comme à consommer avec modération)
- Marlin blanc
Surexploités et classés en tant qu’espèces « vulnérables » ou « en danger » par l’UICN :
- Morue (ou Cabillaud)
- Saumon du Pacifique (indiqué comme à privilégier par le WWF... là, je ne suis pas du tout d'accord, la plupart des espèces de Saumon du Pacifique étant en danger d'extinction).
Stocks surexploités :
- Carrelet (ou plie canadienne)
- Julienne (indiqué avec modération par le WWF)
- Roussette
- Lotte (indiqué avec modération par le WWF
- Esturgeon
Données insuffisantes (donc à éviter en attendant d’en savoir plus) :
- Moustelle blanche
Exploitation détruisant des habitats (ex. Coraux) ou d’autres espèces (ex. Dauphins)
- Grenadier
- Perche
- Sprat
Poissons à privilégier en dehors de période de reproduction (= date entre parenthèse) et taille minimum pour la consommation) :
- Tacaud (mars-avril, 20 cm)
- Dorade grise (éviter en avril-mai, 20 cm)
- Clams, Coques, Moules, Huîtres communes, Pétoncles, Coquilles Saint-Jacques
- Bigorneaux (janvier-avril)
- Lieu (40 cm)
- Seiche (indiqué avec modération par le WWF)
- Limande (avril-juin, 27 cm)
- Flet (février-mai, 30 cm)
- Grondin gris ou bleu (avril-fin été, 20 cm)
- Hareng (janvier-avril, 20 cm)
- Lieu jaune (50 cm)
- Maquereau (mai-juillet, 30 cm)
- Rouget (mai-juillet, 24 cm) (WWF: avec modération)
- Truite (octobre-janvier)
- Merlan (mars-avril, 30 cm) (WWF: avec modération)
Privilégiez, dès que vous le voyez, le label MSC (Marine Stewardship Council). Comme le FSC (bois labellisé), le MSC atteste d'une pêche plus respectueuse de l'environnement et de la biodiversité.
Encore trop rare, il prend petit à petit son essor et c'est le seul label digne de ce nom pour la certification de produits marins.
Je sais bien que toutes ces recommandations ne sont pas faciles à respecter. Mais en faisant simplement un effort de temps à autre (ex. choix des espèces, taille du poisson, provenance, label...), vous aurez d'emblée apporté votre pierre à l'édifice. C'est déjà pas mal.
* En ajoutant des données de l'UICN (listes rouges mondiales) plus complètes.
Sources:
- Ressources halieutiques, FAO (Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture)
- "Coup de grâce pour le thon rouge", WWF (19 nov. 2007)
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lundi, 10 décembre 2007
Des bactéries sous-marines à l'origine du réchauffement?
A l'heure où le GIEC (Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat) reconnait que l'essentiel de l'accroissement constaté de la température moyenne de la planète depuis le milieu du 20e siècle est "très vraisemblablement" dû à l'augmentation observée des gaz à effet de serre émis par l'homme (+de 90% de certitude contre 66% en 2001), une étude totalement à contresens suscite une énorme polémique. En effet, les recherches dirigées par Daniel Klein, de l’Université de l’Arizona, ont indiqué que le méthane émis par des bactéries sous-marines jusqu’ici indétectées serait responsable de la hausse des gaz à effet de serre des 140 dernières années, rendant insignifiant le rôle des émissions industrielles. Ces résultats balayent le concensus international sur la responsabilité des activités humaines dans le réchauffement climatique. L’étude a été publiée le 3 novembre 2007 dans le Journal of Geoclimatic Studies, édité par l’Université d’Okinawa, au Japon. L'article est disponible en .pdf à cette adresse.
Il va sans dire que les (rares) défenseurs de la théorie du réchauffement non imputable aux activités humaines (dont Claude Allègre est la figure de proue en France) se sont emparés de l'étude pour alimenter leurs (contre)-preuves. Ainsi, Rush Limbaugh, ex-politicien de droite et animateur ultra-conservateur d’une émission de radio très populaire a immédiatement relayé ces résultats, suivi par des centaines de stations à travers les États-Unis (soit quelques 20 millions d’auditeurs).
J'aurais pu sauter en l'air quand on a connaissance des milliers de publications qui soutiennent les conclusions du GIEC (contre une poignée pour la théorie inverse)! Mais en fait... il se trouve que le Journal of Geoclimatic Studies n’existe pas, tout comme les chercheurs qui ont signé l’article ou l’Université d’Okinawa.
Ce canular (car c'est bien de cela dont il s'agit) est l'initiative de David Thorpe, consultant en environnement et auteurs de nombreux articles et ouvrages dédiés. Après avoir créé un site web (qui ne fonctionne plus à présent) et rédigé un article en accès libre, l'objectif était de suivre l'évolution du "bouche à oreille" et la façon dont un article totalement faux pouvait être repris sur internet par des adeptes d'une théorie où les "preuves" sont extrêmement rares. Bien sûr, les "écolo" peuvent en faire de même. Sauf que les recherches soutenant les conclusions du GIEC sont tellement nombreuses, que s'appuyer sur une étude émanant d'un journal et de chercheurs inconnus ne risque qu'une diffusion très faible.
C'est ainsi qu'au delà des radios, l'article a été mentionné dans plusieurs magazines et des blogs, qui ont bien évidemment retiré leurs articles depuis. Ou comment manipuler les manipulateurs...
Certes, les résultats scientifiques ne doivent jamais être considérés comme totalement acquis, des découvertes peuvant les remettre en cause. Mais quand des milliers de chercheurs à travers le monde issus d'une multitude de disciplines (biologistes, climatologues, écologues, médecins...) arrivent aux mêmes conclusions d'une responsabilité indéniable de l'homme sur le climat, il arrive un moment où s'évertuer encore à démontrer le contraire devient irresponsable - surtout lorsque ces fragiles théories plébiscitent l'inaction dont les conséquences en cas d'erreur seront désastreuses.
Certains, comme Claude Allègre, osent encore affirmer que "si la température augmente de 1 ou 2 °C par siècle et que le niveau de la mer augmente de 25 centimètres, cela ne nous paraît pas catastrophique" (source: l'Express). Une citation dont j'aimerais qu'elle soit, elle aussi, un canular...
Sources:
- "Carbon dioxide production by benthic bacteria: the death of manmade global warming theory?", D.A. Klein, M.J. Gupta, P. Cooper, A.F Jansson (nov. 2007)
- "Le canular de l'année", Agence Science Presse (déc. 2007)
- The low carbon kid, blog de David Thorpe
- "Claude Allègre répond aux chercheurs", l'Express (5 oct. 2006)
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lundi, 22 octobre 2007
La France manque de sable!
Après l'air et l'eau, quelle source terrestre consommons nous le plus? Les granulats... et oui, en quoi sont faits nos bâtiments et nos routes? C'est en effet la 3ème source la plus consommée, avec une moyenne française atteignant 6,2 tonnes de granulats par habitant et par an. Une carrière n'est pas forcément ce qu'il y a de plus beau (quoique... bien réaménagées, elles servent de terre d'asile pour beaucoup d'espèces), mais il faut bien aller chercher du sable.
Or, justement, le sable n'est pas intarissable. La demande en béton est croissante et dans certaines régions, les carrières commencent à s'épuiser. C'est notamment le cas de la Bretagne où une hausse des constructions entraîne une demande près de deux fois supérieure à la moyenne nationale (soit 10 tonnes par habitant et par an)!
Mais que fait-on quand le sable vient à manquer? Les producteurs de granulats vont tout simplement le chercher ailleurs. Sauf qu'importer du sable coûte excessivement cher: le prix double tous les 30 km. Ils se tournent donc vers la mer et les grands estuaires (Seine, Loire, Gironde) où la faible profondeur de l'eau rend l'extraction particulièrement aisée. Or, ôter du sable marin n'est pas sans risque pour les écosystèmes (destruction des habitats, opacité de l'eau néfaste pour certaines espèces...).
Ainsi, Lafarge a démarré une prospection sur une zone de 16 km² et de 30 m de profondeur au sud de Lorient, dans le but d'extraire quelques 600.000 tonnes de sable d'ici à 2011 (et 18 Mt sur 30 ans). Toutefois, ce projet n'est pas du goût de tout le monde et un collectif s'est monté, "Le Peuple des Dunes", soutenu par des maires, qui réunissait tout de même plus de 10.000 manifestants au printemps dernier sur la plage d'Erdeven. Je vous invite à voir l''émission de France 3 "On peut toujours s'entendre" récemment diffusée et portant sur ce sujet (13/10/2007):
Malheureusement, si la France a tant besoin de sable, c'est en partie parce que le recyclage du béton, pourtant possible, est très faible: à peine 10% du matériau utilisé, tandis que le secteur du bâtiment et des travaux publics produit 343 millions de tonnes de déchets (5,5 tonnes par habitant). Rien qu'en 2004, le Royaume-Uni et l’Allemagne produisaient environ 6 fois plus de granulats de recyclage que la France. Les perspectives de développement sont donc bien réelles... et éviteraient de devoir s'attaquer au littoral.
Sources:
- "Les marchands de sable prennent la mer", Raphaël Baldos, Environnement Magazine (n°1659 - août 2007)
- "Le recyclage des déchets du bâtiment et des travaux publics peut progresser", 4 pages de l'IFEN (n° 116 - Fév. 2007)
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lundi, 15 octobre 2007
Acidification des océans: les conséquences oubliées du CO2
Imaginez que votre peau se désagrège tandis que vous vous promenez tranquillement. Imaginez que l'air, devenu acide, ronge votre épiderme. Voilà ce qui arrive aux organismes marins face à l'acidification des océans.
Pourtant, l’oxygène d’une respiration sur deux provient des océans... mais c'est bien là le problème. En effet, ces masses d'eau absorbent 25 millions de tonnes de CO2 par jour - ce qui nous arrange bien puisque qu’ils atténuent de ce fait l’intensité du réchauffement climatique (pour rappel, le CO2 est un puissant gaz à effet de serre). Sauf que ce processus a un coût : leur pH baisse dramatiquement, entraînant une réduction de la quantité de carbonate de calcium nécessaire à la formation des coquilles ou des récifs. L'excès de CO2 n'est donc pas seulement une menace pour notre climat, mais également pour l'ensemble des écosystèmes marins.
Observez les images ci-dessous: à gauche, la photo montre la surface relativement lisse d'une coquille dans une eau "normale", non corrosive. A droite, la photo met en lumière une surface rongée, en dents de scie, d'une coquille ayant passé 48h dans une eau acidifiée.
Dans 50 à 100 ans, les squelettes externes de certains organismes marins (ex. le Corail) pourraient commencer à se dissoudre et à ne plus pouvoir se former en raison de l’acidification de l’eau de mer. Les espèces possédant des coquilles en aragonite seront les premières touchées (les ptéropodes comme ceux des photos en font partie). Les coraux, coquillages et crustacés suivront. Des écosystèmes entiers s'écrouleront, faute d'alimentation de base, avec des conséquences dramatiques: crise alimentaire planétaire et crise climatique agravées (si la constitution des océans change, ils ne pourront plus assumer leurs divers rôles de régulateurs: climat, oxygénation de l'air...).
Evidemment, si la présence de CO2 dans l'air nous rongeait la peau directement, nous ferions certainement plus d'efforts pour changer nos comportements...
Sources :
- "Plastic pollution : a growing threat to the health of our oceans", Greenpeace (document en .pdf)
- "Les océans malades du CO2", Environnement Magazine (nov. 2005)
- "Anthropogenic ocean acidification over the twenty-first century and its impact on calcifying organisms", James C. Orr et al (Nature 437, 681-686, 29 September 2005)
- Illustrations de l’article: site web de l’INSU / CNRS
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